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ce qui prouverait qu’ils ont été faits pour les besoins du capitaine péruvien. 108 Bien que plus moderne, la collection Krajewski, qui constitue le second fonds marquisien de Neuchâtel, offre souvent des objets plus anciens et plus patinés. Ce riche Polonais visita l’Océanie sur son yacht avant la guerre de 1914. Les objets rapportés par lui, principalement des îles Marquises, furent d’abord exposés, comme collection privée, en 1914, à Neuchâtel, à l’occasion d’un congrès d’ethnologie. La collection fut alors acquise par le musée qui, en 1916- 1917, échangea certains doubles avec Bâle, Genève et Zurich. » (1946 : 121-122). Soixante-dix ans après la brève visite de O’Reilly à Neuchâtel, le patrimoine évoqué dans la citation – qui appelle des rectifi cations – mérite d’être reconsidéré, ses composants réidentifi és, les péripéties de sa constitution et de sa dispersion partielle précisées. L’ensemble de ces artefacts – issus de plusieurs îles de l’archipel des Marquises – compte deux cent vingt-cinq exemplaires d’après les registres. Bien que ce nombre puisse sembler abordable pour le chercheur, le récolement de ces pièces n’a pas été une tâche simple, et ce en raison de l’ancienneté des entrées et des mélanges subséquents avec perte fréquente des identifi cations. Le défaut d’informations ethnographiques ou leur minceur ainsi que les imprécisions portant la marque de leur époque n’ont pas facilité non plus le travail. Il y a lieu de souligner que l’ouverture de registres d’inventaire normalisé et spécifi que au MEN avec inscription unitaire des objets – dans un désordre forcé par les transferts successifs des collections et la dispersion des ensembles dans les différentes vitrines – a été tardif. Il n’a débuté qu’à l’arrivée de Théodore Delachaux (1879-1949) comme conservateur en 19213, à un moment où divers signes d’identifi cation s’étaient déjà effacés ou n’étaient plus parlants. Des confusions ont ainsi pu se produire et les multiples interventions et tentatives de reconstitution qui se sont succédé ont représenté autant de perturbations. Notre tout premier travail a consisté ainsi à réunir et étudier les documents d’accompagnement subsistants. Or les sources archivistiques sont fragmentaires, insuffi santes et embrouillées, ne correspondant qu’imparfaitement aux artefacts conservés. Pour achever de décourager le chercheur, les pelures des volumes de copie-lettres sont parfois presque effacées ou empâtées et illisibles. LA COLLECTION FAVARGER La liste des « Nouvelles acquisitions du musée »4 en 1840- 1841 signale de la part de M. « Frédéric Favarger, établi à Valparaiso, un envoi très-considérable et précieux composé de deux ballots d’armes et instrumens sic des sauvages de la mer du Sud, d’une caisse contenant deux cent trenteneuf oiseaux parmi lesquels plusieurs paires de condors, et d’autres caisses contenant des polypiers, coquillages, etc. » (Mémoires 1846 : 7). Ces « instrumens des sauvages » consistent en quelque soixante-huit pièces ethnographiques ventilées sous cinquante-huit numéros d’entrée d’un registre intitulé « Dons faits au Musée ethnographique de Neuchâtel » conservé au Médaillier du musée d’Art et d’Histoire (Reg. M.A.H. f° 194, Paquet 93). Les origines indiquées sont vagues puisqu’il n’est généralement fait état que de « mer du Sud » et les descriptions sont quelquefois insuffi santes pour reconnaître les pièces – toutes n’ont du reste pas été réidentifi ées – qui peuvent s’être égarées ou avoir été confondues avec celles d’autres fournisseurs. Leur appréciation esthétique est, à l’époque, pour le moins négative, puisque, par exemple, la bitte d’amarrage (V.185) est ainsi désignée : « (N° 11). Idole en bois brun sur un manche, ou extrémité de pirogue ; elle tient une main au menton, l’autre devant. Figure horrible ; mer du Sud. » Si une bonne partie des ethnographica provient des Marquises – comme le complète le conservateur Frédéric de Bosset une cinquantaine d’années plus tard – (soit vingt-huit sur environ cinquante-cinq objets au dernier récolement, la collection n’ayant pu être reconstituée dans son intégralité), d’autres viennent non pas d’« Otahiti » mais des îles Cook, des Kiribati, des îles Tubuai (Australes) et de l’île de Pâques5 (V.213 et 214). Un article nécrologique dû au Dr Maurice de Tribolet (Bulletin 1880 : 175 sqq.), complété et corrigé par des recherches aux archives de l’État6, fournit les renseignements qui suivent sur le donateur. Fils de feu Samuel et de Sophie Henriette Simond7, petit-fi ls d’Abram de La Brévine, bourgeois de Neuchâtel, Frédéric Favarger est né à Neuchâtel le 23 mai 1800 et a été baptisé le 20 juin 1800. Il y passe la première partie de sa jeunesse. Puis il s’établit à Londres, d’où il part pour Buenos Aires. Enfi n, il se fi xe au Chili, à Valparaiso, où il reste jusqu’en 1845. M. Favarger semblait avoir été fait pour voyager car il s’intéressait à tout .... On voyait qu’il ne passait jamais dans une localité sans prendre connaissance de tout ce qu’elle pouvait présenter d’intéressant pour l’histoire et les sciences naturelles. Il connaissait, par exemple, à fond l’histoire et la géographie de l’Amérique du Sud et rien FIG. 4 : Hameçon votif. Îles Marquises. Bois de loupe sculpté et cordelettes de fi bres tressées. L. : 14,2 cm. MEN V.184 (coll. Favarger). Photo © A. Germond, Neuchâtel. PAGE DE DROITE FIG. 5 (EN HAUT) : Accessoire de pirogue (bitte d’amarrage) tiki vaka. Îles Marquises, XIXe siècle ou antérieur. Bois. L. : 66 cm. MEN V.185 (coll. Favarger). Photo © A. Germond, Neuchâtel. FIG. 6 (EN BAS) : Paul Gauguin, Et l’or de leur corps. 1901. Musée d’Orsay, Paris @ RMN. DOSSIER


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