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102 L’exposition Animal organisée à Paris en 2007 a présenté plusieurs objets avec une sculpture de pangolin ou de ses écailles (Falgayrettes 2007 : 20f, 365f, 407-409). Malheureusement, dans le groupe des très impressionnants masques bamana tji wara, l’exposition n’a pas inclus le type de masque combinant trois animaux (antilope rouanne, pangolin et oryctérope (fi g. 26 et 27). Parmi les plus petites fi gures de pangolin, on trouve des sculptures en argile qui étaient utilisées comme matériel pédagogique lors de l’initiation des fi lles shambaa en Tanzanie. On rencontre également des fi gures schématiques de pangolin en os ou en ivoire (fi g. 30 et 32), qui étaient remises en guise d’emblèmes aux membres de la société lega bwami (R. D. Congo) qui accédaient à un rang supérieur. Au Ghana, les Ashanti se servaient de petites fi gures en bronze (fi g. 31) comme poids à peser la poudre d’or. Il ressort de cette étude que les quatre espèces de pangolins d’Afrique sont associées à une grande diversité de concepts. Les comportements divergent fortement face à cet animal, considéré par certains comme étant plus fort que le lion et le léopard. La plupart du temps, il inspire à la fois la crainte et le respect. Le pangolin est en contact avec les esprits de la nature, il est le messager des esprits ancestraux et est vénéré en tant que héros culturel. Il est associé aux souverains, chefs, guerriers, devins et autres hommes tenus en haute estime. Il favorise la fertilité chez les humains et les animaux, protège les champs des voleurs, identifi e et éloigne les sorciers et est lié au travail des forgerons. Les écailles et la queue du pangolin sont souvent considérées comme étant particulièrement puissantes. Ainsi, les écailles sont utilisées en guise d’amulettes et éloignent les lions grâce à l’odeur qu’elles dégagent lorsqu’on les brûle. Le pangolin – mammifère à quatre pattes ressemblant à un poisson et pouvant vivre dans les arbres comme un oiseau – incarne le passage entre la vie et la mort et joue dès lors un rôle symbolique lors des rites de transition, comme l’initiation des hommes ou les cérémonies funéraires de notables. Ce rôle d’intermédiaire du pangolin ne se limite pas à l’art africain. De façon surprenante, il assume une fonction semblable dans la conscience occidentale. Un grand artiste tel que Max Ernst, par exemple, se servit souvent des motifs animaliers dans ses collages. Le pangolin y fi gure au moins par deux fois (fi g. 31). Selon Metken (1979 : 80f), le poisson – ou même juste la queue d’un poisson – serait porteur pour Ernst d’énergies érotiques dangereuses. Cela pourrait valoir aussi pour le pangolin, qui apparaît dans son oeuvre dans un contexte amoureux. Bien que l’on connaisse peu de chose sur l’individu, Ernst l’artiste a admis le caractère mystérieux du pangolin, manifestant ainsi une réaction inconsciente en phase avec les traditions africaines. FIG. 22 (CI-DESSUS) : Cimier de danse en forme de pangolin. Ekpeye, Nigeria. XXe siècle. Bois, bambou, pigments et clous. L. : 120 cm. Collection André Gué, Vienne. Photo : Birgitt Stich. FIG. 23 (CI-DESSUS) : Contenant à noix de kola en forme de pangolin. Yoruba, Nigeria. XIXe - début XXe siècle. Bois. D. : 27 cm. Collection privée. Photo : BAMW Photography. FIG. 24 (CI-DESSUS) : Dessin d’un récipient en bois pour des pierres de divination. Yoruba, Nigeria. D’après Frobenius 1913, p. 265,. fi g. 8. Avec l’aimable autorisation du Ross Archive of African Images, rossarchive. library.yale.edu. FIG. 25 (CI-DESSOUS) : Dessin d’écailles de pangolin destinées à des oracles par secouement. Sud du Cameroun - nord du Gabon. D’après Seidel 1896, p. 178. DOSSIER À la cour royale de Bénin, ces précieux récipients étaient remplis de noix de kola puis offerts aux invités de marque (Hall 1922 : 152, fi g. 65 ; Roberts et Thompson 1995 : fi g. 145, Plankensteiner 2007 : 344, fi g. 95). L’artiste yoruba Fagbite Adamu ou son fi ls Falola Edun de Ketu sculpta au sommet d’un masque gelede (fi g. 3) un pangolin se faisant capturer par deux jeunes hommes maintenant les pattes arrière de l’animal pour éviter qu’il ne se roule en boule (Drewal 1989 : 216 ; Okediji 1997 : 174). D’après Okediji (1997 : 174) : « L’artiste a laissé au plus faible, en l’occurrence le pangolin, un mince espoir tout en conseillant aux chasseurs de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Elle peut également servir à rappeler au vainqueur de respecter le vaincu. » La croyance au Nigeria d’un rapport surnaturel entre le pangolin et la guerre s’illustre aussi à travers un rare bâton dédié à Shango, divinité protectrice des guerriers (fi g. 32). Sur cet objet particulièrement orné, l’artiste a accordé une place de choix à un pangolin avec une queue courbée. John Pemberton III affi rme que les Yoruba croient que le sang du pangolin est particulièrement puissant. Prélevé dans la queue de l’animal, ils s’en servent pour réaliser un médicament protecteur pour les guerriers, connu sous le nom d’oogun (communication personnelle 2009). Un pangolin arboricole sculpté en bas-relief apparaît sur une boîte ovale en bois avec couvercle, un récipient à noix de kola créé par les Yoruba d’Owo (fi g. 23). Un exemplaire très semblable – bien que sans couvercle – fi gure dans le catalogue de 1901 de W. D. Webster (Webster 1901 : fi g. 71). Non seulement il y est montré à l’envers, mais il est décrit dans la légende comme étant un caméléon. Les artistes yoruba représentaient également des pangolins se roulant en boule pour échapper au danger. Le récipient agere ifa en bois en fi gure 24, apanage du devin, en atteste. L’artiste a orné la partie du milieu avec une fi gure de pangolin en boule couché sur le fl anc. Deux autres bols à oracle conservés à Berlin et aux États-Unis sont probablement l’oeuvre du même artiste (Frobenius 1913, I : 265, 274 ; Drewal 1989 : 216, 223). Des écailles de pangolin transformées (fi g. 25) sont utilisées dans le cadre de la divination par secouement pratiquée dans la région frontalière entre le Cameroun et le Gabon (Seidel 1896: 177 f. ; Ittmann 1960 : 129). Les écailles sont extraites ou jetées du petit panier où elles sont conservées, et le devin doit interpréter les combinaisons.


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