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The Barnes Foundation 97 monté d’un plafond de plus de cinq mètres de haut, ainsi que vingt-deux salles plus petites réparties sur deux niveaux. L’importance de la sculpture africaine pour Barnes et pour la mission de la Barnes Foundation est manifeste dans la conception de l’aménagement extérieur du bâtiment de la Fondation à Merion. Dans ses études préliminaires, Cret avait d’abord imaginé un hall d’entrée d’inspiration classique. Barnes décida néanmoins que l’entrée devait mettre à l’honneur la sculpture africaine. Pour matérialiser cette idée, il fi t appel à J. H. (Joe) Dulles Allen, fondateur de l’entreprise Enfi eld Pottery and Tile Works of Enfi eld, en Pennsylvanie. Allen avait déjà travaillé avec Cret en 1908 sur le bâtiment de la Pan American Union (l’actuelle Organisation des États américains) à Washington, D.C.. Allen y avait conçu un pavage représentant les cultures sud-américaines, au moyen d’images aztèques et incas. Barnes demanda à Allen de créer un carrelage dont le motif symboliserait « l’art nègre » (fi g. 16).30 S’inspirant de photos fournies par Barnes, Allen créa une mosaïque et des panneaux de terre cuite en bas-relief basés sur des oeuvres d’art africain de la collection de la Fondation. L’entrée (fi g. 15) fut conçue comme une déclaration visuelle réaffi rmant l’intention de Barnes de faire de la Fondation un lieu où « l’art nègre sera considéré comme l’une des plus grandes expressions artistiques de tous les temps.31» La prédominance de ces motifs d’inspiration africaine au sein du bâtiment envoyait un message puissant aux visiteurs, qui se trouvaient d’abord en présence de sculptures africaines avant de voir les autres traditions artistiques abritées dans la collection. Placer délibérément ces motifs africains dans un hall d’entrée classique mettait également en lumière un principe fondamental des convictions esthétiques de Barnes : en restructurant la forme humaine dans l’intérêt de l’esthétique, l’art africain – le parfait exemple de la forme tridimensionnelle – a libéré l’art fi guratif de tradition occidentale des contraintes imposées par le classicisme occidental32. On assistait dès lors à une reconnaissance et à une mise à l’honneur de tout ce que l’avant-garde devait à l’art africain. Barnes voulait que le hall d’entrée refl ète cet héritage. Cela est évident dans ses écrits, dans lesquels il compare les exécutions plastiques des statuaires classique et africaine : « La sculpture nègre a enrichi la peinture contemporaine au plus haut point. À l’origine, les sculpteurs grecs concevaient leurs fi gures en associant trois genres de bas-relief (frontal, arrière et latéral). La forme était trop souvent entravée par la représentation, si bien que l’agencement des masses – la tête, le tronc et les membres –, qui donne en principe un ensemble des plus réussis, est rarement satisfaisant. En d’autres termes, la littérature était un obstacle à la forme plastique. Dans le cas de la sculpture nègre, le facteur littéraire s’efface au profi t de la répartition des masses par les artistes en accord avec les exigences d’une forme réellement sculpturale. ... Libéré du fortuit et de l’insignifi ance, l’art nègre acquiert une qualité sculpturale plus pure que celle de la majorité des plus belles oeuvres grecques ou de la sculpture de la Renaissance, qui n’est en défi nitive qu’une Grèce sous une autre forme.33 » Comme ce fut le cas pour l’aménagement extérieur, Barnes accorda beaucoup d’attention aux détails à l’intérieur du bâtiment et agença l’intégralité de sa collection sous forme d’« ensembles muraux » conçus pour favoriser une perception esthétique des objets34. Dans les galeries, il décida d’organiser ses peintures en groupes afi n d’établir des liens formels entre des oeuvres d’époques, de pays et de styles différents. Ces ensembles changeaient régulièrement, à mesure que Barnes réorganisait les peintures et incorporait de nouvelles oeuvres à la collection. Plus tard, il ajoutera également d’autres genres d’oeuvres, comme du mobilier ou des objets d’art décoratif. L’ensemble se trouvant sur le mur sud de la salle 22 (fi g. 26b) symbolise parfaitement la stratégie de présentation de Barnes. La sculpture africaine, elle-même minutieusement et précisément disposée conformément aux principes esthétiques de Barnes, est intégrée à d’autres oeuvres de la collection, un agencement voulu par Barnes afi n d’inscrire l’art dans un continuum historique de grandes traditions. Barnes pensait que toutes les expressions artistiques couronnées de succès exprimaient, selon ses mots, des « valeurs humaines fondamentales » qui se révélaient par des moyens plastiques. Ses agencements cherchaient à mettre en évidence des liens réciproques entre des oeuvres de cultures et d’époques différentes en dévoilant ces « attributs universels ». Pour Barnes, le sens particulier de l’art africain résidait dans sa relation aux avant-gardes. Il encouragea la comparaison spécifi que de la représentation de la physionomie entre la sculpture africaine et des tableaux d’Amedeo Modigliani et du cubiste Pablo Picasso. Les masques bamana anguleux accrochés au mur de la salle 22, par exemple, sont disposés de façon à établir un lien direct avec des peintures de Modigliani, notamment sa Femme au col blanc (1919) qui illustre le « visage FIG. 19 (CI-DESSUS) : Inscription d’entrée fl anquée de relief imitant des sculptures Senufo. Photo : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation. FIG. 20 (CI-DESSOUS) : Étrier de poulie. Guro, Côte d’Ivoire. Fin du XIXe - début du XXe siècle. Bois. H. : 16,5 cm. The Barnes Foundation, A176. Photo : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation. La


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