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Albert Barnes, la Barnes Foundation et l’art africain 90 « Lorsque la Fondation ouvrira, l’art nègre sera considéré comme l’une des plus grandes expressions artistiques de tous les temps. » Le docteur Albert C. Barnes en était convaincu et l’avait écrit en 1923 à son marchand d’art établi à Paris, Paul Guillaume1. Barnes (1872-1951) était un entrepreneur américain travaillant dans le secteur pharmaceutique qui, après des débuts modestes, amassa une fortune avec laquelle il constitua l’une des premières et des plus remarquables collections d’art moderne au monde. Au début des années 1920, il décida d’élargir son horizon et de s’intéresser à la sculpture africaine. Barnes avait l’intention de développer une collection d’art africain exhaustive pour l’institution éducative qu’il avait fondée en 1922 et dont l’ouverture, sous l’appellation de Barnes Foundation, était prévue pour 1925. Entre la conception de cette institution et sa réalisation, Barnes acquit plus d’une centaine de masques, de sculptures fi guratives et d’objets du quotidien provenant d’Afrique centrale et occidentale, presque exclusivement auprès de Guillaume (fi g. 5). La collection vint occuper les locaux de la Fondation à Merion, en Pennsylvanie, et fut mise en valeur par des motifs africanisants que l’architecte Paul Cret avait incorporés au bâtiment sur demande de Barnes. Par Christa Clarke La Barnes Foundation a joué un rôle majeur dans la manière dont l’Occident a accueilli l’art africain. Elle fut l’une des premières installations permanentes aux États-Unis où les objets d’Afrique étaient présentés dans une perspective esthétique, et non plus suivant l’approche documentaire qui primait dans les musées d’ethnographie. Les oeuvres qu’il collectionna, issues majoritairement des colonies francophones, eurent une grande infl uence à une époque où l’Occident commençait à peine à s’intéresser à l’art africain. La sculpture africaine était exposée dans la Fondation aux côtés d’autres oeuvres de la collection – peintures d’avant-garde, art religieux européen du début de la Renaissance, récipients en étain et en céramique, et ferronnerie ornementale et usuelle – selon des confi gurations soigneusement étudiées que Barnes appelait « ensembles ». Ces assemblages refl étaient et étayaient une méthode d’analyse esthétique mise au point par Barnes et appliquée à la Fondation. Barnes utilisait la collection de sculptures africaines pour développer sa philosophie d’enseignement et louait ses mérites à la faveur de conférences, de discours publics et de publications. L’objectif de Barnes ne se limitait pas à simplement encourager la reconnaissance de l’art africain pour ses qualités artistiques. Son plaidoyer poursuivait également une fi nalité progressiste sur le plan social. Il était convaincu que l’étude de l’art africain comme manifestation de l’expression culturelle noire pouvait servir à promouvoir l’égalité raciale. À cette fi n, Barnes apporta son soutien à de jeunes artistes, musiciens et écrivains afro-américains par le biais d’un programme de bourses de la Fondation. Il s’impliqua également activement dans le mouvement « New Negro » (mieux connu aujourd’hui sous le nom de Harlem Renaissance) dans les années 1920, collaborant avec des précurseurs de la justice sociale, tels le philosophe et éducateur Alain Locke et Charles Spurgeon Johnson, de la National Urban League. Barnes a voué son existence à l’égalité raciale et à la réforme sociale. Il croyait fermement qu’une meilleure reconnaissance de la sculpture africaine permettrait d’atteindre ces objectifs. Aujourd’hui, près d’un siècle plus tard, la pertinence de la collection d’art africain par rapport à la vision globale de FIG. 1 (CI-CONTRE) : Albert C. Barnes avec une porte baule d’une pièce intérieure, vers 1946. Photo d’Angelo Pinto. Collection de photographie, Barnes Foundation Archives. © The Barnes Foundation Archives. FIG. 2 (EN BAS) : Figure masculine debout. XVIe siècle. Edo, Royaume de Bénin, Benin City, Nigeria. Laiton. H. : 56,5 cm. The Barnes Foundation, A230. Photo : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation. DOSSIER


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