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TEMEHARO Par David Shaw King En Polynésie centrale préhistorique, les représentations des principales divinités constituaient les objets les plus importants. Idoles sacrées au plus haut point, elles étaient abondamment ornées de plumes et entourées de multiples couches d’écorce, de tissu et d’enveloppes de fi bres complexes soigneusement réalisées. Conservées dans des « maisons de dieu » spécifi ques, elles étaient protégées par des prêtres. Le missionnaire William Ellis les décrivait de la sorte : « Elles étaient supposées abriter les dieux à certaines 118 périodes ou en réponse aux prières des prêtres. Quand elles étaient habitées par les dieux, les gens croyaient qu’elles étaient elles-mêmes dotées d’immenses pouvoirs : cependant, lorsque l’esprit les quittait, même si les idoles étaient considérées comme les choses les plus sacrées qui soient, leurs extraordinaires pouvoirs disparaissaient »1. Ces objets étaient exhibés uniquement lors d’événements majeurs. Leur présence pouvait entraîner un sacrifi ce humain, voire déclencher une guerre. À Tahiti, le dieu le plus important était ‘Oro. L’aspect de ces idoles était des plus étranges pour les Européens. À Tahiti en 1769, lors du premier voyage de Cook, Joseph Banks ne put décrire le dieu ‘Oro autrement qu’en ces termes : « Une sorte de paquet d’environ un mètre cinquante de long et d’épaisses nattes emballées »2. Cook livra sa propre description : « C’est une chose fabriquée avec les fi bres torsadées d’une coque de noix de coco, qui ressemble à un gros épissoir »3. Les représentations de ‘Oro ont également dérouté les missionnaires de la London Missionary Society (LMS) : « Le public sera sans nul doute extrêmement déçu à la vue de ces idoles repoussantes. ... Les idoles elles-mêmes ... n’affi chent aucune ressemblance avec la forme humaine ... elles n’évoquent nullement un quelconque être vivant et nous sommes totalement incapables d’en décrire la forme »4. La perplexité des missionnaires était compréhensible car l’aspect informe de ces divinités était, certes, fort éloigné des canons européens. La fi guration était plutôt réservée en Polynésie à l’évocation d’êtres moins importants, tels des esprits. FIG. 2 (À GAUCHE) : Portrait de Pomare Ier (également appelé Vairaatoa, O’too, Tu, Tynah), 1777. Huile sur toile maroufl ée sur panneau. 36,2 x 28 cm. Alexander Turnbull Library, G-697. John Webber était l’artiste attitré du troisième voyage de Cook. Il peignit ce portrait un jour indéterminé de septembre 1777 à la demande de Cook. Pomare demanda qu’on lui offre en retour un portrait de Cook. John Watts était un aspirant sur le Resolution lors de ce voyage, et se trouvait à Tahiti lorsque ce portrait fut réalisé. Ayant rencontré Pomare Ier, Watts revint à Tahiti douze ans plus tard avec des plumes rouges en guise de cadeau. Ces plumes seront utilisées pour décorer Temeharo. FIG. 3 (À DROITE) : Portrait de Pomare II. Gravure d’après un dessin de William Ellis. Extrait de William Ellis, Polynesian Researches During a Residence of Nearly Eight Years in the Society and Sandwich Islands, 1831. Pomare II, le second chef suprême tahitien de la dynastie Pomare, n’était pas un dirigeant particulièrement effi cace. Il renonça à l’idolâtrie en 1809, en réalité en échange de mousquets et de poudre, et fut baptisé en juillet 1812. Son idée d’envoyer ses idoles à Londres constitua un tournant décisif dans l’attitude future des missionnaires et entraîna la préservation d’un nombre considérable d’artefacts religieux dans toute la Polynésie. HISTOIRE d’objet


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