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110 traitement des épaules formant une sorte de cape au-dessus des bras sont tout à fait caractéristiques de la statuaire de cette région. Le visage, avec un menton presque inexistant, est presque toujours dirigé légèrement vers le bas, ce qui indiquerait que ce type de sculpture était destiné à être placé en position dominante par rapport aux spectateurs. Ce genre d’artifi ce était utilisé également pour la confection des masques en vannerie de la région voisine des lacs Blackwater. Les yeux de ces sculptures sont constitués de morceaux de nacre provenant vraisemblablement de moules d’eau douce. Un percement central évoque la pupille et donne une expression très sévère au regard. Selon Welsch (2013 : 34 ), ce type de sculpture était destiné « à garantir la santé, la prospérité et l’ordre social dans les espaces civilisés du village ». La base de ces dernières, constituée de plusieurs troncs de cône (de un à cinq)22, est une marque locale qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours pour les sculptures de faîtage représentant des oiseaux totémiques que l’on peut encore voir aujourd’hui sur les toitures des édifi ces religieux biwat. Les habitants de cette région ont été christianisés rapidement après la Seconde Guerre mondiale et il n’est pas exclu que les missionnaires aient interdit de sculpter les anciennes représentations anthropomorphes assimilées à des suppôts de Satan (Mc Dowell, 1991 : 160). Celles-ci auraient été alors remplacées par des oiseaux totémiques. Christian Kaufmann (2006 : 132-135 et 415) évoque une relation entre ces sculptures anthropomorphes et la légende du héros culturel Bilishoi recueillie par Margaret Mead dans le village de Kinakatem. Cet être mythique était craint pour sa puissance et il était censé ne pas respecter l’ordre social. Contraint de se réfugier sur le faîte d’une maison, il fut tué par une lance projetée par ses poursuivants originaires du fl euve Sepik. L’histoire raconte que son corps fut bouilli puis dévoré par ses agresseurs24 (Mc Dowell, 1991 : 159). Ce mythe est très similaire à celui de Vlisso recueilli par Laumann (1952) dans la région du Bas-Yuat. Les personnages peints au sommet d’une grande peinture biwat, provenant de Kinakatem et collectée par Margaret Mead en 1932, étaient également en relation avec les légendes de Bilishoi et de Vlisso. Ce type de peinture réalisé à l’occasion d’une fête des ignames (Mead, 1963, McDowell, 1991, Coiffi er, 2013) était vraisemblablement connecté avec les sculptures en bois que nous avons évoquées plus haut dans les cycles rituels locaux. SCULPTURES SIMILAIRES DANS LES COLLECTIONS PUBLIQUES ET PRIVÉES Très peu de sculptures du style de celles se trouvant sur la photographie de Charles van den Broek ont été répertoriées FIG. 14 : Sculpture masculine. Bois et pigments. H. : 80 cm. Musée du quai Branly, 71.1969.51.41. Collectée lors du voyage de La Korrigane et donnée au musée de l’Homme, Paris, par Régine de Ganay- Van den Broek d’Obrenan. © 2015, musée du quai Branly, photo : Patrick Gries/Scala, Florence. DOSSIER


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