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101 dite demeura très infl uente. Le conservateur James Johnson Sweeney, organisateur de l’exposition de 1935 African Negro Art au Museum of Modern Art à New York, était un visiteur assidu du Merion. Bien que la Fondation ait refusé de prêter des oeuvres pour l’exposition du MoMA, Sweeney reconnut Barnes comme l’instigateur de sa vision de l’art en général, exprimée dans l’approche esthétique de la sculpture africaine qu’il décrivait dans le catalogue d’exposition.38 Même après la mort de Barnes en 1951, la collection d’art africain de la Fondation continua à être considérée comme un modèle pour la nouvelle génération de collectionneurs qui émergea durant la période de l’après-guerre. Ces dernières années ont été synonymes de grands changements pour la Fondation. En 2012, la collection fut ouverte au public sur Logan Square dans le centre-ville de Philadelphie, un déménagement qui a suscité de nombreuses réactions. Le nouveau site, conçu par les architectes Tod Williams et Billie Tsien, occupe une position dominante sur la Benjamin Franklin Parkway. Dans ses nouveaux quartiers, la collection a été réinstallée en respectant la disposition originale du Merion, dans des galeries aux dimensions et à l’atmosphère absolument identiques aux espaces d’origine ; les sculptures africaines sont toujours exposées au deuxième étage. Toutefois, les galeries sont désormais intégrées dans une structure plus vaste. L’entrée carrelée typique qui mettait volontairement en évidence la collection d’art africain a disparu. Aujourd’hui, la nouvelle entrée refl ète l’art africain au moyen de panneaux de pierre disposés de manière irrégulière sur la paroi externe du bâtiment et dont l’agencement s’inspire des motifs syncopés des textiles kente du Ghana (fi g. 47). À l’intérieur, le tissage du kente est également évoqué par le sol en mosaïque situé à l’entrée du puits de lumière ainsi que par la frise de la galerie principale. Ces allusions visuelles aux textiles kente, de même que les références à la ferronnerie africaine ornant les grandes grilles en bronze qui accueillent désormais les visiteurs à l’entrée de la Collection Gallery, sont destinées à rendre hommage aux motifs africains qui avaient été incorporés par Cret dans le bâtiment original de Merion.39 Dans son nouvel écrin, la collection de la Barnes Foundation – y compris la sculpture africaine – attire désormais chaque année des milliers de visiteurs en plus que lorsqu’elle était abritée à Merion. Même si beaucoup s’y rendent pour son extraordinaire collection de peintures modernes françaises, la collection d’art africain est tout aussi audacieuse et novatrice, et absolument remarquable pour ce qu’elle révèle sur le goût personnel et l’émergence du marché de l’art dans les années 1920. Les objets amassés par Barnes ont contribué à façonner l’avenir de la collection d’art africain aux États- Unis. Plus qu’un simple collectionneur d’art, Barnes était mu par une vision progressiste de l’utilité sociale des objets qu’il collectait. La sculpture africaine était inextricablement liée à la reconnaissance de la richesse de l’art « nègre » sous toutes ses formes et à un engagement durable envers l’émancipation des Afro- Américains. Il est assez ironique de constater que l’attention particulière que Barnes a accordée aux éléments visuels de la sculpture africaine, dénuée d’étiquettes et de notes explicatives, ait pu entraver une pleine reconnaissance des complexités culturelles et sociales des oeuvres de sa collection. Mon travail concernant cette collection a pour but de favoriser une meilleure compréhension des objets qu’Albert Barnes a collectionnés avec passion et du rôle qu’ils ont joué dans la mission qui les a rassemblés au cours des premières décennies du XXe siècle. Cet article est une adaptation d’un texte bien plus long qui fait offi ce d’introduction à l’ouvrage African Art in the Barnes Foundation: The Triumph of L’Art Nègre and the Harlem Renaissance (Skira Rizzoli, New York, en partenariat avec la Barnes Foundation, Philadelphie, 2015). Mes remerciements les plus sincères vont à Jonathan Fogel pour la version remaniée de cet essai. Ce texte introductif découle en partie de la thèse non publiée de l’auteure, Defi ning Taste: Albert Barnes and the Promotion of African Art in the United States during the 1920s (University of Maryland, College Park, 1998), rendue possible grâce à une subvention de la Samuel H. Kress Foundation et des bourses de la University of Maryland. NOTES 1. Albert C. Barnes à Paul Guillaume, le 5 novembre 1923, Barnes Foundation Archives, Merion, Pennsylvanie. Extrait reproduit avec l’autorisation des Barnes Foundation Archives (BFA). 2. Guy Pène du Bois, « A Modern Collection » Arts and Decoration 14 (juin 1914), p. 305. Ambroise Vollard a livré une description mémorable du processus de sélection de Barnes : « Monsieur Barnes vient vous voir. Il vous demande de lui montrer vingt à trente tableaux. Sans aucune hésitation, tandis que les tableaux défi lent sous ses yeux, il en choisit l’un ou l’autre. Ensuite il s’en va ». Voir Ambroise Vollard, Souvenirs d’un La Barnes Foundation


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