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ovale, allongé et déformé » que Barnes considérait comme typique de la sculpture africaine35. ALBERT BARNES, L’ART AFRICAIN ET LE « NEW NEGRO » En 1925, le philosophe et éducateur Alain Locke (1886-1954) (fi g. 22) appela ses concitoyens afroaméricains 100 à s’inspirer de leur patrimoine africain en matière d’arts visuels. « Il est possible, écrivit Locke, que l’esprit artistique du Noir américain, stimulé par une fi erté et un intérêt culturels, ressente l’infl uence profonde et exaltante de l’art africain.36 » Le manifeste de Locke, « The Legacy of the Ancestral Arts » dans l’anthologie The New Negro, devint un cri de ralliement pour le mouvement du « New Negro », incitant les Afro-Américains à considérer l’art africain comme une ressource culturelle et visuelle. L’art africain exposé à la Barnes Foundation représentait précisément cette ressource et a probablement exercé une infl uence extrêmement profonde durant l’âge d’or de ce mouvement. Entre 1924 et 1928, certaines sculptures africaines issues de la collection de la Fondation servirent d’illustrations dans plusieurs publications importantes du mouvement de la Harlem Renaissance. Parmi ces dernières, Opportunity: A Journal of Negro Life, la revue mensuelle de la National Urban League, éditée par Charles S. Johnson ; un numéro spécial de Survey Graphic consacré à la Harlem Renaissance ; et surtout, The New Negro, l’anthologie d’Alain Locke considérée comme le texte fondateur du mouvement. En outre, ces trois publications contenaient des articles traitant de la Barnes Foundation et de sa collection ainsi que des écrits de Barnes lui-même abordant l’art africain et sa relation à la culture afro-américaine. Barnes a soutenu très activement la cause noire durant ces années à la faveur des relations qu’il entretenait avec les leaders et les membres de la Harlem Renaissance. Barnes s’est également impliqué, de façon plus intense encore, aux côtés du sociologue Charles Spurgeon Johnson (1883-1956), qui devint plus tard directeur de la Fisk University. Il encouragea et apporta son soutien aux artistes et écrivains noirs recommandés par Johnson en leur offrant des bourses pour étudier à la Barnes Foundation. L’engagement de Barnes envers la justice sociale et l’égalité raciale – et sa certitude qu’une reconnaissance et une compréhension plus larges de la sculpture africaine permettraient d’atteindre ces objectifs – a nettement coïncidé avec la fl orissante production culturelle noire qui avait débuté à New York au début des années 1920. Son implication directe dans le mouvement du Nègre nouveau a commencé lorsqu’il a rencontré Locke à la galerie de Paul Guillaume à Paris en décembre 1923.36 Locke, professeur de philosophie à la Howard University, est considéré comme le père de la Harlem Renaissance, en particulier pour son rôle de moteur de la créativité afro-américaine. Barnes et Locke partageaient de nombreux points communs : non seulement leur intérêt pour l’art africain, mais également un même parcours scolaire – à la Central High School de Philadelphie – ainsi qu’une attirance pour les écrits pragmatiques du psychologue et philosophe William James, du philosophe naturaliste George Santayana et du réformateur social John Dewey. UN HÉRITAGE ENCORE D’ACTUALITÉ Les efforts considérables déployés par Barnes pendant la presque totalité des années 1920 ont favorisé la reconnaissance des qualités artistiques des objets africains – et afroaméricains – avec, comme objectif ultime, l’égalité raciale. Malgré un engagement sans faille, il consacra moins d’énergie à la cause à la fi n de la décennie. Il continua de développer ses idées en donnant des conférences sur le sujet au moins jusqu’aux années 1940. Promue dans de multiples publications, discours publics et reproductions photographiques, la collection d’art africain de Barnes acquit une dimension internationale à partir des années 1920 et contribua à établir un canon de l’art africain37. La collection africaine proprement FIG. 22 (CI-DESSUS) : Alain Locke (1885–1954). National Portrait Gallery, Smithsonian Institution / Art Resource, NY. FIG 23 (CI-CONTRE) : Statue fragmentaire (buste). Baule, Côte d’Ivoire. début du XXe siècle. Bois et pigments. H. : 34 cm. The Barnes Foundation, A135. Photo : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation. PAGE SUIVANTE FIG. 24 : Figure gardienne de reliquaire. Kota, Ndassa ou Wumbu, région de Sibiti, Gabon ou République du Congo. Bois, cuivre, laiton, fer et zinc. H. : 49,8 cm. The Barnes Foundation, A282. Phot o : Rick Echelmeyer. © 2015 The Barnes Foundation. FIG. 25 (ARRIÈRE-PLAN) : Billie Tsien, étude pour un sol en mosaïque inspiré d’un textile kente, avril 2010. Photo : Todd Williams, Billie Tsien Architects. DOSSIER


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