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AlAin Weill 137 un nom (ce qui était à l’époque possible) sur des oeuvres de sculpteurs majeurs ? T. A. M. : À vous écouter, il apparaît clairement que l’art colon trouve tout son sens dans l’histoire récente, faite de rencontres et de chocs de cultures. Peut-il être vu comme une forme d’art politique, ou encore comme une première expression de la modernité ? A. W. : L’artiste africain décrit ce qu’il voit – et on ne peut pas dire que c’était ragoûtant. Il a évidemment une vision politique, beaucoup de ces oeuvres servant de miroir ironique pour exorciser le démon ; certaines étant même des caricatures au vitriol. Mais pas uniquement. Dans le même temps, pour répondre à cette question de modernité, les sculpteurs africains se sont peu à peu libérés d’un carcan stylistique. Ils ont osé de nouveaux gestes, glissant en quelque sorte d’une tradition, reposant sur la notion de sacré, vers une forme d’art vivant, plus personnel, profane en quelque sorte. Plus moderne en effet. T. A. M. : L’exposition de la Fondation Arnaud présente des sculptures d’artistes africains, mais aussi des oeuvres de peintres et sculpteurs européens. Cette imagerie africaniste, tel un jeu de miroir, s’inscrit-elle également dans ce que l’on nomme « art colon » ? A. W. : Non, bien sûr. Les peintres que l’on a baptisé africanistes et qui forment l’interface dans cette exposition sont des peintres essentiellement belges et français. Ils sont d’ailleurs peu nombreux et ont en commun avec l’art dit colon d’être fort peu connus et rarement exposés – une autre révélation de cette exposition que ces artistes injustement méconnus. T. A. M. : Comme quoi, « art colon » est une notion qui invite à la réfl exion et demande à être précisée… A.W. : Tout à fait ! Je préfère d’ailleurs le terme d’« art métis », même s’il ne me satisfait pas non plus totalement. Il s’agit vraiment d’un art hybride. C’est cela qui me passionne et que manifeste l’exposition Homme blanc / Homme noir. Cela étant cette exposition qui essaye pour la première fois en Europe de traiter toutes les facettes d’un sujet ne présente bien sûr pas que des pièces de ma collection. FIG. 12 (CI-DESSOUS) : Salière. Artiste sapi-portugais, Sierra Leone. Début du XVIe siècle. Ivoire. H. : 34,8 cm. © Musée des Beaux-Arts, Dijon. FIG. 11 (CI-CONTRE) : Auguste Mambour (1896- 1968), Sculpteur africain à l’herminette, vers 1925. Fusain 90 x 63 cm. Photo : Alberto Ricci.


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