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MUSÉE à la Une 96 pieds fermement ancrés dans la structure. L’autre ikoro de Berlin provient d’un village situé en aval d’Abiakuri (fig. 7). L’une de ses extrémités présente une figure masculine assise aux bras tendus, tenant dans la main droite un couteau à lame bifurquée jadis utilisé au combat et une tête-trophée dans la main gauche. Nettement moins érodé que l’autre tambour, il aurait été sculpté entre soixante et quatre-vingts ans avant sa date de collecte en 1907. Lorsque les tambours du musée de Berlin quittèrent leur région d’origine au début du XXe siècle, ils n’étaient visiblement plus utilisés et étaient largement délaissés. Cette période de transition durant laquelle ces oeuvres demeurent présentes physiquement mais sont considérées comme anachroniques est évoquée dans les observations de Charles Partridge en 1905 : « Le lendemain matin, nous nous sommes arrêtés à Ikorana, un lieu situé sur la rive gauche à environ 40 km au-dessus d’Itu, soumis depuis longtemps à l’influence des missionnaires. … Les jujus locaux étaient relativement négligés, et mes tentatives d’en savoir plus sur le sujet se heurtèrent à une réponse du genre « nous avons évolué ». Un énorme tambour creusé en bois était en train de se décomposer dans les buissons et, alors que je l’examinais, les écoliers très cultivés me regardaient d’un air dédaigneux. » (Partridge 1905 : 77). À la lueur de ce contexte et des informations apportées par O. Traoré sur les oeuvres fournies à Hélène Leloup, ces sculptures étaient plus que probablement les solides éléments figuratifs d’ikoro ayant survécu à la décomposition du centre creux de l’instrument. Étant donné l’ampleur de ces fragments, les instruments qu’ils décoraient devaient être particulièrement imposants. Conservées pour leur valeur intrinsèque, certaines de ces sculptures semblent avoir bénéficié d’une seconde vie en tant que figures commémoratives associées à des individus importants, un fait confirmé par Traoré qui affirma avoir dû obtenir le consentement de la communauté avant d’acquérir les oeuvres abîmées qui avaient subsisté. GUERRIERS Herbert Cole et Chika Aniakor ont observé que les guerriers répondaient à l’appel aux armes de leur communauté en présentant l’ikoro avec une tête-trophée à leur retour du combat (Cole et Aniakor 1984 : 87). D’après la source de O. Traoré, des célébrations bisannuelles se déroulant devant le sanctuaire étaient marquées par des danses et des chants dédiés aux exploits guerriers. Dans la société mbembé, tous les hommes appartenaient à de multiples associations structurées qui croisaient les liens de parenté et jouaient un rôle en matière de gouvernance. Ces associations constituaient une branche exécutive au sein du village et disposaient d’un Deux exemples intacts d’ikoro mbembé aujourd’hui conservés au Museum für Völkerkunde de Berlin ont été collectés dans la région de la Cross River en 1907 par l’ethnologue allemand Max von Stefenelli (Krieger 1969 II : 235–6, 237 ; Koloss 1999 : 90, 208).3 La datation au carbone 14 de l’un d’entre eux, originaire du village d’Abiakuri, indique qu’il est âgé de quatre à cinq cents ans (fig. 6). Cette pièce massive, qui pèse environ une tonne et mesure plus de trois mètres, est tellement érodée que les détails iconographiques de ses éléments figuratifs sont pratiquement invisibles. Le FIG. 9 (À GAUCHE) : Figure masculine assise avec têtetrophée, identifiée comme étant le chef Mabana. Mbembé, Région du fleuve Ewayon, Province de la Cross River, Nigeria. XVIIIe siècle. Bois. H. : 64,5 cm. Horstmann Collection, Zug, Suisse. © Hughes Dubois. FIG. 10 : Figure masculine debout identifiée comme étant le chef N’Ko. Mbembé, Région du fleuve Ewayon, Province de la Cross River, Nigeria. XVIIe – XVIIIe siècles. Bois. H. : 108 cm. Collection privée. © Jon Lam/Sotheby’s. grain exposé du rondin dans lequel le tambour fut sculpté est orienté à l’horizontale, à l’instar de la figure assise se trouvant dans la collection du quai Branly. Le corps cylindrique du tambour est prolongé à chaque extrémité par une plateforme. D’un côté, la plateforme accueille une figure assise, bras le long du corps, dont l’un fait face au corps du tambour, tandis que la plateforme opposée est pourvue d’une figure assise dont le dos se situe dans l’alignement de la paroi de la cavité du tambour. Cette figure, légèrement moins patinée, tient un récipient à boire dans la main droite et un objet non identifié dans l’autre. Ses genoux sont pliés et ses


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