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Art mbembé au MET 95 royaume des esprits. Ces dirigeants sacerdotaux reliant le monde des vivants au monde des défunts étaient appelés okpobam (Harris 1984 : 61). La dévotion à d’éminents ancêtres, les afranong, constituait l’un des éléments fondamentaux de la vie spirituelle des Mbembé et le principal sujet de leurs représentations artistiques (Eyo 1977 : 204). Conservés pendant de nombreuses générations, il est possible d’aventurer que les oeuvres figuratives mbembé étaient destinées à mettre en évidence et célébrer les pouvoirs distincts, mais complémentaires, attribués à la descendance masculine et féminine d’un individu. AUTELS RETENTISSANTS ET BATTEMENTS COLLECTIFS Avant le XXe siècle, l’un des éléments centraux de chaque communauté autonome mbembé, ainsi que de celles du peuple apparenté Ibibio, était un énorme tambour de cérémonie à fente muni de deux ouvertures en son sommet, appelé ikoro (Cole et Aniakor : 87). Abrité au sein d’un sanctuaire spécialement aménagé, l’ikoro servait d’autel. C’est également par l’entremise de l’ikoro que les membres de la communauté étaient prévenus des événements importants et communiquaient avec leurs voisins. Le langage tonal de l’ikoro, c’est-à-dire sa voix, était capable de véhiculer des messages sur une distance de plus de 10 km. Ces messages pouvaient avertir d’un danger imminent comme signaler la menace d’un incendie ou d’une attaque, ou annoncer la mort d’un vénérable ancien ou le début de festivités. Plus important encore, le battement de l’ikoro appelait les hommes d’une communauté à se rassembler et prouver leur valeur au combat. Garant de la force spirituelle des membres de la communauté, emblème de leur unité et centre de la vie citoyenne, chaque instrument recevait un nom spécifique et était étroitement lié à un village particulier. Étant donné la place prépondérante et la taille considérable de l’ikoro, son processus de création était particulièrement réglé. Le choix et l’abattage de l’arbre devant fournir l’énorme rondin dans lequel l’immense tambour de cérémonie serait taillé étaient précédés par la célébration de rites complexes (Cole et Aniakor : 87). Chaque tambour était personnalisé au moyen d’une sculpture relevant d’une imagerie figurative ou animale sur l’une ou les deux extrémités du corps cylindrique du tambour à fente. Deux sujets humains étaient le plus souvent représentés : un guerrier féroce brandissant des armes et une tête-trophée, et une figure de maternité incarnant une mère nourricière. Certains instruments possédaient ces deux représentations, sculptées sur les extrémités opposées alors que d’autres n’en présentaient qu’une seule. La dernière étape consistait à « ouvrir le coeur » du tambour au cour d’une cérémonie de consécration.


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