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93 dans le VIe arrondissement, elle eut l’attention attirée par une figure massive du Nigeria aux bras cassés. Déterminée à l’acquérir, elle s’informa sur ses origines, sa fonction et sa matière. Traoré lui promit de rassembler des informations lors de sa prochaine visite dans la région et d’en rapporter d’autres exemplaires. À l’époque, la guerre du Biafra empêchait les Européens d’accéder à la région, mais les marchands maliens comme Traoré, actif depuis les années 1950, étaient loin d’avoir épuisé toutes leurs ressources locales et travaillaient alors dans la région frontalière entre le Cameroun et le Nigeria. Il revint plus tard à Paris, en février et en juillet 1973, avec des oeuvres supplémentaires et de précieux renseignements quant à leur signification. Lors de leur ultime rencontre, O. Traoré informa Hélène Leloup qu’il lui transmettait là les dernières oeuvres restantes issues des communautés mbembé de l’est d’Abakaliki, une ville de la province d’Anambra. Les informations de O. Traoré furent publiées dans le catalogue d’exposition de la galerie, qui demeure à ce jour la seule monographie consacrée à cette tradition artistique. Le texte d’introduction d’Hélène Leloup insiste sur le fait que ce corpus incarnait une esthétique totalement nouvelle qui offrait un contraste avec les domaines de prédilection établis : « Depuis vingt ans que je me consacre à l’art nègre, j’ai vu évoluer le goût et l’intérêt des collectionneurs. Dans cet art que l’on appelait « sauvage » ils s’attachaient avec prédilection à des formes déjà parvenues à une perfection clas- FIG. 4 : Figure assise. Mbembé, région du fleuve Ewayon, province de la Cross River, Nigeria. XVIIe – XVIIIe siècles. Bois (Afzelia). H. : 64,5 cm. Musée du quai Branly, visible au Pavillon des Sessions, Musée du Louvre, Paris, inv. 73.1974.1.1. Photo : Hughes Dubois ; Musée du quai Branly/Scala/Art Resource, NY. sique : statues fang, masques baoulé, bronzes royaux du Bénin. Les critères de qualité étaient finesse de sculpture, harmonie des volumes, brillance des patines, en somme, les mêmes que ceux utilisés dès la Renaissance pour juger des oeuvres d’art. » (Kamer 1974 :1) Peu de temps avant l’inauguration de l’exposition dans la galerie d’Hélène Leloup quai Malaquais, Pierre Meauzé fit l’acquisition de l’une des oeuvres les plus sublimes de l’ensemble pour le compte du Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie de Paris (fig. 4). Les membres de cette figure assise sont longs et minces, avec des bras tendus vers l’avant et le creux des mains sur chaque genou. Le corps se fond dans la structure sous-jacente, à tel point qu’il est difficile de déterminer le sexe de la figure. L’érosion de la surface du visage a fait disparaître la plupart de ses traits d’origine. Le visage ne présente plus que des vestiges de cavités horizontales au niveau des yeux et de la bouche, ainsi que la mince arête verticale du nez et des oreilles ovales qui dépassent de chaque côté de la tête. Sur toute la surface, le grain du bois est absolument horizontal, évoquant les couches exposées des strates géologiques. Dans son rapport destiné au ministère de la Culture rédigé à l’époque de l’acquisition de la figure, le laboratoire du Louvre a analysé le bois et l’a identifié comme étant de l’Afzelia africana, connu également sous le nom de doussié et appelé « apia » localement au Nigeria. Intégrée aujourd’hui aux fonds du musée du quai Branly, cette oeuvre constitue l’une des pièces maîtresses du Pavillon


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