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Histoires d’ivoire 127 FIG. 18 : Détail de la défense TM A-11085 avec un personnage en torsion pour tenir sous la spirale. National Museum of World Cultures, Tropmenmuseum, Amsterdam. TM A-11085. Donation Artis, 1920. FIG. 19 : Détail de la défense TM 1788-13 avec un personnage en torsion pour tenir sous la spirale. National Museum of World Cultures, Tropmenmuseum, Amsterdam. TM 1788-13. Acquisition de G. Rambonnet-de Bloeme, 1948. FIG. 20 : Carte postale de Robert Visser avec un trafiquant d’ivoire. National Museum of Ethnology, Leiden. RMV A294-16. néraires des personnages haut placés (Stanley, 1878 II : 272). Même si l’ivoire était une matière première importante pour symboliser le statut, il ne faisait pas l’objet d’une chasse active. Les éléphants étaient traditionnellement abattus pour la nourriture. Les mandataires acquéraient les défenses à travers un système de tribut aux lois très strictes qui obligeait les sujets à leur offrir au moins une défense pour chaque éléphant tué. Il en allait de même pour les défenses d’hippopotames, qui étaient plus fréquemment chassés que les éléphants pour leur viande, considérée comme un mets délicat. Ces défenses étaient toutefois moins appréciées au Loango et rarement ouvragées (fig. 12). Avec l’installation permanente des Européens dans la zone du Congo, l’ivoire connut un tout nouveau marché. Financée par des mises de fonds importantes, l’industrie occidentale transformait les défenses à grande échelle notamment en touches de piano et en boules de billard ou pour les besoins des dernières créations des artistes occidentaux. Les expéditions vers les musées témoignèrent d’un intérêt tout particulier pour les sculptures en ivoire. Après chaque « découverte » d’une nouvelle culture, tous les objets en ivoire étaient presque immédiatement vendus dès l’arrivée de l’expédition. Il ressort toutefois des rapports de ces expéditions que l’Occidental ne parvenait pas à mettre la main sur tous les objets, car tout le monde n’était pas prêt à se défaire de ses possessions. Lang et Chapin ont trouvé en la personne de Mangbetu un mandataire qui n’était pas disposé à abandonner ses ivoires personnels aux visiteurs. Il a, en revanche, donné l’ordre à ses artistes de reproduire les objets désirés. (Schildkrout et Keim, 1990 : 65). PREMIÈRES DONNÉES POUR UNE ANALYSE STYLISTIQUE Les sculpteurs d’ivoire, le long des côtes du Loango, observaient le marché et s’adaptaient à la demande, sans hésiter à reproduire à l’infini les objets et motifs qui plaisaient le plus. Comme nous l’évoquions plus haut, la plupart des scènes représentées sur les défenses traitent de thèmes précis tels que la vie quotidienne, le commerce, la chasse, la flore et la faune locales, l’esclavage, l’Européen (fonctionnaires coloniaux, voyageurs, commerçants, missionnaires, militaires) et les caractéristiques de sa présence. La plupart des défenses illustrent les échanges économiques entre les Européens et les Africains, dont l’importation de produits par des caravanes et le transport de défenses d’éléphants, entre autres. (fig. 14 et 15). Ces scènes se distinguent par leur niveau de détail ainsi que par l’effort de réalisme dans le rendu des personnages et des animaux, particulièrement manifeste dans les expressions du visage, les bijoux, les tenues vestimentaires et les toisons, par exemple. Cela étant, la distinction entre les Européens et les Africains n’est pas toujours simple à opérer. Les personnages affichent souvent des détails morphologiques mixtes. De plus, les tenues vestimentaires prêtent aussi à confusion, les Africains pouvant être représentés avec une tenue européenne (ou vice versa) ou bien les tenues étant une combinaison des deux styles vestimentaires. Plusieurs explications sont possibles. D’une part, il était fréquent qu’un Africain s’habille à l’européenne sur la côte. L’inverse était plus rare bien que, toutefois, on rencontrât des Européens portant le chapeau et des vestes européennes avec, en dessous, un pagne africain (fig. 15 et deuxième registre de la fig. 4). Parfois, les Européens se reconnaissent aux vêtements propres à leur fonction, comme les tenues des missionnaires et le costume tropical du commerçant. Les personnages sont presque toujours représentés de profil, sauf au sommet de l’objet qui accueille généralement un personnage en ronde-bosse. Quant au nombre de représentations, les sculpteurs suivaient une règle d’or : la valeur d’une défense sculptée augmentait en fonction du nombre de personnages. Donc plus il y avait de scènes et de personnages sur une défense, plus l’opération était lucrative. Cela pourrait expliquer les positions parfois incroyables adoptées par les personnages afin de pouvoir encore figurer sur la défense (fig. 18 et 19). En ce qui concerne le travail à proprement parler des défenses, nous disposons hélas de peu d’informations précises. L’une des rares sources disponibles est la photo de Robert Visser21 montrant un sculpteur avec, à sa gauche, quelques ciseaux et goujons (fig. 20). Pour ce qui est de la technique, il semblerait que l’artiste devait commencer par gratter la couche extérieure de la défense. Les motifs composant les scènes étaient probablement esquissés au crayon ou au stylo pour ensuite être dégagés en relief avec du matériel toujours


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