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Histoires d’ivoire 125 tités importantes d’ivoire du Loango que l’Europe aurait pu se procurer grâce à eux pourraient signifier que les ateliers de sculpteurs d’ivoire se trouvaient à une certaine distance des comptoirs de commerce, donc dans la région côtière du Loango. En effet, la clientèle dans les grands comptoirs de commerce devait être importante pour les sculpteurs. La vie dans et autour d’un comptoir de commerce échappait difficilement à la population locale et constituait sans doute une source d’inspiration importante pour les tailleurs d’ivoire. (fig. 13). Le comptoir comptait également des travailleurs africains réguliers : cuisinier, interprète, employé, constructeur de bateaux, porteur, etc. pour lesquels un lieu de résidence séparé était construit. Bon nombre d’entre eux ne provenaient pas de la zone où ils étaient occupés. La NAHV faisait souvent appel à des travailleurs du Liberia et de la Sierra Leone (appelés les Krus) engagés pour une période définie. Les travailleurs originaires de la zone du Bas- Congo étaient subdivisés en plusieurs catégories.18 Tout d’abord les jeunes garçons des familles haut placées et aisées qui étaient envoyés au comptoir de commerce par leurs parents dans le cadre de leur « formation » et y séjournaient comme employés personnels des Blancs. Les Cabinda, ouvriers libres de la zone côtière au nord de l’embouchure du Congo, qui travaillaient comme marins, capitaines, menuisiers et ouvriers du bâtiment. Enfin, les ‘Krumanos’, les esclaves, aussi bien des femmes, des hommes que des enfants, qui travaillaient en permanence dans les familles et étaient confinés au secteur du comptoir de commerce. Ils appartenaient à la dernière catégorie de travailleurs et effectuaient les tâches les plus lourdes. Cette forme d’esclavage constituait une poursuite de la variante indigène (Friedman 1991). Le fonctionnement déstabilisant du commerce international d’esclaves était encore frais dans les mémoires des habitants du Loango, c’est du moins ce que nous pouvons déduire des nombreuses scènes, souvent violentes, présentes sur les défenses. Nous ne savons pas dans quelle mesure ces abus ont persisté dans les comptoirs de commerce après l’abolition de cette pratique qui, prenons le temps de le dire, ne pouvait pas être dissociée du commerce de l’ivoire.19 Dans les deux cas, les intermédiaires de commerce devaient pénétrer de plus en plus loin dans les terres. Les Africains attrapés en ces lieux étaient ensuite utilisés comme porteurs pour transporter jusqu’à la côte les marchandises commerciales, dont l’ivoire mais également eux-mêmes ! LA COURSE À L’IVOIRE Depuis la nuit des temps, l’ivoire du Loango et du reste du Congo est associé aux détenteurs du pouvoir. Eux seuls pouvaient porter des bijoux et amulettes en ivoire ou faire réaliser des objets usuels, dont ils ne se séparaient d’ailleurs qu’avec difficulté. Le reste de la population possédait, pour la plupart, les mêmes objets, mais dans des matériaux moins coûteux, en bois ou en métal. L’ivoire était utilisé pour un nombre limité d’objets de décoration, les plus connus étant les cornes taillées, les décorations des parties supérieures des sceptres, les manches de couteaux et de chasse-mouches, les pinces à cheveux et bracelets. Les ivoires du Loango n’ont jamais été observés chez les mandataires locaux.20 En revanche, ces derniers possédaient des défenses d’éléphant non travaillées qu’ils affichaient en plus grand nombre lorsqu’ils devaient remplir une fonction publique comme, par exemple, prononcer un jugement. Des défenses ont également été trouvées sur les monuments fu-


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