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DOSSIER membres de l’expédition emportèrent également un récit narrant les rudes conditions climatiques dans lesquelles vivaient 112 les Eskimos du Canada (fig. 7) : « Il y a quelques années, Atakutaluk, l’une des femmes du grand chasseur Ituksarsuaq, avait échappé à la famine en mangeant son mari et leurs trois enfants. La famille entière était allée chasser le caribou au beau milieu de l’île de Baffin, mais la chasse avait été un échec et des tempêtes de neige les avaient empêchés de quitter ce lieu où ils résidaient temporairement. Afin de survivre, ils avaient dû abattre et manger leurs chiens, mais les survivants durent ensuite manger les membres de la famille qui étaient morts de faim. Quand Atakutaluk, seule survivante de la famille, fut finalement retrouvée affamée dans un igloo, elle n’avait plus que la peau sur les os. Lorsqu’on lui demanda où se trouvait sa famille, elle pointa simplement du doigt un tas d’os rongés. Sans laisser paraître la moindre émotion, elle dit que son plus jeune enfant avait un goût de saumon. » (Mathiassen 1926 : 41). Sur le plan archéologique, l’expédition accorda particulièrement d’importance aux fouilles des ruines d’un vaste campement à Naujan Lake sur la côte nord de Repulse Bay, à l’extrême nord de la baie de Hudson. Les indigènes racontaient que ce site appartenait autrefois à une culture appelée Tuniit, à laquelle on prêtait des pouvoirs surnaturels. En raison d’un dégel particulièrement tardif ce printemps-là, les ruines étaient recouvertes de neige et le sol était gelé à mesure que les fouilles progressaient. Tous les jours, Mathiassen et ses hommes devaient d’abord enlever la neige. Ce processus très lent ne leur permit de progresser que de quelques centimètres de profondeur par jour. Les objets découverts étaient pour la plupart brisés ou bien de facture ordinaire, fabriqués en pierre et en os. Toutefois, les archéologues constatèrent avec intérêt qu’ils étaient relativement différents de ceux utilisés par les Eskimos peuplant la région. L’emplacement et la profondeur auxquels ces artefacts avaient été trouvés furent dûment consignés. Les fouilles devinrent de plus en plus difficiles, car plus la profondeur augmentait, plus l’odeur de graisse de baleine dégelée et des matières organiques en décomposition devenait nauséabonde, étant donné que le sol était gelé depuis des siècles. Après deux mois de travail acharné, l’excavation de Mathiassen avait permis de découvrir quelque 3 000 artefacts, dont un certain nombre de remarquables figures et ornements sculptés dans de l’ivoire de morse. FIG. 5 (PAGE DE DROITE) : Figure anthropomorphe glulik. Pingergalik, Baffinland. Exhumée en 1922. Bois. H. : 5,4 cm. Musée national du Danemark, collection ethnographique, inv. P27.678. © Musée national du Danemark. FIG. 6a et b : Manteau de femme. Iglulik, Repulse Bay, Baffinland. Collecté par Therkel Mathiassen, 1922. Peau de renne. H. : 148 cm. Musée national du Danemark, collection ethnographique, inv. 34.592. © Musée national du Danemark. FIG. 7 (À GAUCHE) : Atakutaluk, le protagoniste d’un récit iglulingmiut. Épreuve photographique en noir et blanc. Musée national du Danemark, collection ethnographique, inv. 5-thuleb-0947. © Musée national du Danemark.


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