Page 107

Layout1

Arts d’Afrique noire au Canada « arts décoratifs » du MBAM donna lieu à une exposition entièrement consacrée à l’art africain en janvier 1945, ayant pour titre Primitive African Art, puis à une autre, African Sculpture, qui fut à l’affiche du 23 janvier au 22 février 1959, fruit d’une collaboration avec l’africaniste et marchand new-yorkais Ladislas Segy.4 Malgré le décès de F.C. Morgan, les arts extra-européens ont continué de revendiquer leur droit de cité au MBAM, comme en atteste l’accueil de l’exposition itinérante Art of the Congo produite par le Walker Art Center de Minneapolis en 1969. Lors de cet unique arrêt en terre canadienne, les visiteurs purent admirer notamment des oeuvres en provenance du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, en Belgique. L’occasion fut saisie pour organiser dans les salles attenantes une manifestation complémentaire au titre révélateur : L’Art Africain dans les Collections de Montréal. Dans cet accrochage se trouvaient des prêts de deux galeries privées parmi les plus en vue de l’époque, soit le Petit Musée Ltd. et la Galerie Lippel. D’autres expositions temporaires se succèderont ailleurs au Canada, dont Hidden Treasures from Central Africa au ROM en 1973. C’est aussi à cette époque, au début des années 1970, que Jacqueline Delange-Fry (1923-1991) s’installe au pays. Ethnologue et ancienne conservatrice au musée de l’Homme à Paris, son travail contribuera au rayonnement de l’art africain dans des provinces canadiennes situées en marge des points névralgiques qu’ont toujours été Toronto et Montréal. Parmi les initiatives dont Delange fut à l’origine, il convient de citer African Sculpture à la Winnipeg Art Gallery (Manitoba, 1972-1973) et Masques sans mascarades à la Dalhousie Art Gallery (Nouvelle-Écosse, 1974), expositions ayant largement bénéficié de prêts de l’imposante collection particulière de Justin et Elisabeth Lang, dont il sera question un peu plus loin dans ce texte. L’exposition la plus prestigieuse de Jacqueline Delange reste sans conteste Vingtcinq sculptures africaines qu’elle avait réalisée en 1978 pour le compte de la Galerie Nationale du Canada (Ottawa). Cette manifestation majeure – dont l’importance ne fut malheureusement que peu relayée sur le vieux continent – présenta un corpus d’oeuvres pancanadien offrant une vision nationale de l’art africain dont la principale caractéristique était l’éclectisme.5 L’exposition avait été rendue possible grâce à la générosité de prêteurs privés tels que Barbara et Murray Frum, Léon et Louise Lippel, Daniel et Nancy Mato, ainsi qu’à celle de prêteurs institutionnels dont le Musée national de l’Homme et le Royal Ontario Museum. Se pliant aux souhaits des prêteurs, la rédaction du catalogue avait été confiée à des sommités mondialement reconnues dont Louis Perrois, Keith Nicklin, Germaine Dieterlen, Dominique Zahan, Robert Farris Thompson, Francine 105 trilogie Pax Britannica (1968-78), l’engouement suscité par le Nouvel Impérialisme était presqu’aussi fort à Toronto qu’il l’était à Londres. REGARDS SUR LES OBJETS : EXPOSITIONS D'ART AFRICAIN OU LE DÉVOILEMENT DE SENSIBILITÉS ESTHÉTIQUES NOUVELLES Si les objets précédemment évoqués étaient souvent considérés dans la mentalité de l’époque comme n’étant, dans le meilleur des cas, que des trophées ou des objets de « curiosité », une telle notion allait être radicalement remise en question par le responsable des « arts décoratifs » du Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM), Monsieur Frederick Cleveland Morgan. Ce dernier était issu d’une famille respectée possédant un prestigieux magasin à rayons au centre-ville de Montréal. À l’instar d’autres établissements concurrents de la ville, ce commerce renfermait une galerie d’art où les intéressés pouvaient trouver des antiquités ou des objets d’art dits « exotiques ». C’est également là que le jeune Frederick fit un apprentissage qu’il ne cessera de parfaire tout au long de sa vie. Jusqu’à sa mort en 1962, cet homme inspiré et porteur d’une vision cosmopolite tenta de transformer le MBAM en musée capable de rivaliser avec les grandes institutions du monde occidental, dont le Metropolitan Museum de New York et le Victoria and Albert Museum de Londres. Déterminé à prendre tous les moyens pour imposer son ambitieuse mission, Frederick Cleveland Morgan établit des contacts étroits avec les meilleurs marchands de Londres et de New York, dont le célèbre J.J. Klejman. L’intérêt pour l’art tribal qui habitait le conservateur des FIG. 7 : Figure de pouvoir nkisi. Kongo, R. D. Congo. Bois, pigments,fragments de miroir, ongles et fer. Agnes Etherington Art Centre, M84-356. © Agnes Etherington Art Centre, Kingston, Ontario. FIG. 8 : Vue de l’installation Protection and Social Harmony in the Art of West and Central Africa. 2013- 2015. © Agnes Etherington Art Centre, Kingston, Ontario.


Layout1
To see the actual publication please follow the link above