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HISTOIRE du goût L’art d’Afrique noire dans les collections au Canada : témoignage d'un parcours peu connu Par Jacques Germain, avec la collaboration d’Yves Prescott Héritier des traditions culturelles française et britannique, le Canada s’est intéressé à l’art de l’Afrique sans pour autant que cet intérêt n’ait fait l’objet de quelque concertation que ce soit, au niveau national ou même provincial. D’autre part, l’étendue d’un territoire en outre plutôt décentralisé n’a pas aidé non plus à la mise en commun des ressources et de l’expertise dans ce domaine. En dépit de ces réalités, et malgré le fait que le Canada n’ait de surcroît jamais possédé de colonies sur le sol africain, l’intérêt qu’il a su porter à sa culture matérielle constitue un phénomène digne d’être mentionné. Et aujourd’hui, il est un fait avéré que le pays de la feuille d’érable possède des collections muséales et privées comprenant des pièces d’une valeur esthétique notoire, et ce grâce à l’enthousiasme et à la générosité de quelques collectionneurs éclairés. DES COLLECTIONS HISTORIQUES Pour bien appréhender la nature de cette trajectoire unique, il importe d’effectuer un retour au XIXe siècle, époque où les artefacts africains se retrouvaient essentiellement dans des musées universitaires ou dans les locaux de sociétés savantes, en dignes héritiers des cabinets de curiosité des souverains européens. Cette approche didactique, dans laquelle se côtoyaient à la fois les sciences naturelles et l’anthropologie, resta en vigueur jusqu’au XXe siècle. Port d’attache de ces pièces hétéroclites (dont certaines se sont avérées être de grande valeur tant d’un point de vue ethnographique qu’esthétique), ces institutions et leurs archives ont posé les bases d’un patrimoine hélas accessible uniquement à une élite proche de l’univers académique. La collection la plus emblématique de cette époque – et la plus représentative de ce contexte – est sans nul doute l’ensemble de cinq cent neuf objets ethnographiques de l’ancien Congo belge et de Gambie que le docteur John Lancelot Todd (1876-1949) a collecté et sommairement documenté et qu’il légua au Musée Redpath de l’Université McGill (Montréal) au début du XXe siècle.1 Personnalité reconnue dans le domaine des maladies tropicales, ce médecin montréalais né dans la province de Colombie- Britannique avait répondu favorablement à la demande du roi Léopold II de Belgique l’invitant à conduire des recherches scientifiques rigoureuses in situ sur la maladie du sommeil, considérée à l’époque coloniale comme un frein considérable à l’exploitation économique des zones tropicales. C’est ainsi qu’en 1903 il se joignit à une expédition, s’échelonnant sur deux ans, parrainée par la Liverpool School of Tropical Medicine, où il avait terminé sa formation académique. Alors que ses carnets et les notes médicales qu’il prit lors de ces voyages finirent au Wellcome Museum of Medical Science de Londres, où ils sont toujours conservés, les témoignages de la culture matérielle – principalement des armes et des sculptures – des populations qu’il avait rencontrées au Congo belge ou vues FIG. 1 : Homme avec un microscope, Dr J. L. Todd, copie réalisée en 1931. McCord Museum, II-299705.0. Avec l’aimable autorisation du McCord Museum, Montréal. FIG. 2 (À GAUCHE) : Figure nkisi. Kongo, Angola, région nord-ouest. Vers 1860. Bois, métal, miroir, cuir, coquillage et pigments. H. : 54,5 cm. Collection de l'Université McGill, Musée Redpath. © Musée des Beaux-Arts de Montréal. PAGE SUIVANTE FIG. 3 : Figure nkondi. Kongo, R. D. Congo, région du Bas-Zaïre. XIXe siècle. Bois, pigments, métal et autres matières amalgamées. H. : 59 cm. Collection de l'Université McGill, Musée Redpath. © Musée des Beaux-Arts de Montréal. FIG. 4 (À DROITE) : Figure nkisi. Songye, R. D. Congo, Kasaï oriental. XIXe siècle. Bois, métal, os, fibre. H. : 58,8 cm. Collection de l'Université McGill, Musée Redpath. © Musée des Beaux-Arts de Montréal.


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