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MUSÉE à la Une Visions de la forêt : l’art du Liberia et de la Sierra Leone 94 FIG. 1 : William Siegmann inspectant les masques sande au National Museum of Liberia, Monrovia, 1966 ou 1967. Photographe inconnu. © Indiana University Liberian Collections/William Siegmann Collection. FIG. 2 (PAGE DE DROITE) : Masque ndoli jowei. Mende ou Bullom du sud (Sherbro), Sierra Leone. Fin du XIXe siècle. Bois. H. : 40 cm. Minneapolis Institute of Arts, don de William Siegmann, inv. 2011.70.4. Photo : Minneapolis Institute of Arts. Le Liberia et la Sierra Leone font partie de la région forestière de Haute-Guinée, abritant une forêt tropicale dense qui s’étend de l’ouest de la Guinée à l’est du Nigeria. La forêt et ses richesses influencent depuis longtemps les mouvements de population et la prospérité des habitants de la région ainsi que leur patrimoine culturel et esthétique. Défrichée pour accueillir de nouvelles communautés agricoles et perçue comme la source spirituelle et intellectuelle des nombreuses sociétés d’initiation de la région, la forêt offre un cadre de vie singulier aux hommes qui y sont établis. De multiples manières, la forêt, toujours changeante, est le terrain physique et conceptuel où les actions et les idées se développent et se perpétuent. Pour les sociétés d’initiation traditionnelles telles que le Sande, le Poro et le Thoma, la forêt incarne depuis longtemps le lieu où les jeunes femmes et jeunes hommes vivent des expériences enrichissantes. Elle est également source de connaissance spécialisée acquise auprès des esprits tutélaires supposés y résider. Dans la société dan, par exemple, les esprits habitant la forêt rendent visite à des personnes dans leurs rêves et demandent à se manifester physiquement sous forme de masques. Chez les Loma et les Mende, les masques dont les formes et les matériaux évoquent explicitement ou implicitement le monde animal font partie des oeuvres d’art les plus prisées. Ce genre de masques, ainsi que d’autres oeuvres issues des cultures traditionnelles du Liberia et de Sierra Leone sont présentés dans Visions from the Forests, une exposition majeure organisée par le Minneapolis Institute of Arts qui sera à l’affiche dans plusieurs musées américains jusque fin 2015. Par Jan-Lodewijk Grootaers Liberia et Sierra Leone : aperçu historique Le Liberia et la Sierra Leone ont longtemps joué un rôle prépondérant dans l’histoire du monde. La région fut l’un des premiers endroits subsahariens visités par les Européens. Dans les années 1460, des marchands portugais établirent les premiers contacts avec les habitants des côtes de ces régions, installant des comptoirs commerciaux dans ce qu’ils nommèrent respectivement les « Montagnes de la Lionne » (Serra Leoa) et la « Côte du Poivre » (d’après le poivre maniguette présent en abondance le long de la côte libérienne). Là-bas, ils entretenaient des relations avec les peuples sapi, aujourd’hui disparus, une confédération plus ou moins structurée regroupant les ancêtres de certains habitants actuels de la région. L’arrivée des Hollandais et des Britanniques au cours des XVIe et XVIIe siècles entraîna le développement accru du commerce, y compris de la traite transatlantique des esclaves. Les deux pays occupent également une place importante dans l’histoire de l’abolition de l’esclavage et de l’émancipation. Freetown, capitale de la Sierra Leone, fut fondée par des esclaves libérés des États-Unis en 1792. Dans la foulée de la décision de l’Angleterre d’abolir le commerce international d’esclaves en 1807, Freetown servit de point de rapatriement pour les esclaves africains récupérés par la marine britannique sur des navires à destination de l’Amérique du Sud. Le Liberia devint la patrie des esclaves libérés des États-Unis à partir des années 1820 et en 1847, la république du Liberia fut officiellement proclamée. De longues guerres civiles ont fait rage par intermittence entre 1989 et 2003 au Liberia et en Sierra Leone. Pillage et destruction à grande échelle ont accompagné ces conflits, qui ont coûté la vie à quelque trois cent mille personnes, fait éclater la société civile et nui considérablement à l’héritage culturel des deux pays. D’innombrables oeuvres d’art sierraléonaises et libériennes ont été perdues à jamais. Les peuples des forêts de Haute-Guinée et leur art Le Liberia et la Sierra Leone sont peuplés d’une multitude de groupes culturels. Pas moins de quarante langues sont parlées, appartenant à des familles linguistiques différentes. Visions from the Forests comprend des oeuvres issues de plus d’une douzaine de ces groupes.


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