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89 XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle – carnets de route d’explorateurs, journaux de missionnaires, rapports d’archéologues et autres publications – qui documentaient le rapport entre les gens et les objets d’art. Cette démarche s’est avérée plus prometteuse, mais bientôt j’ai ressenti le besoin de me focaliser sur les objets eux-mêmes et non plus sur ce que d’autres Occidentaux avaient écrit à leur propos. J’ai donc sollicité un rendez-vous au British Museum. J’ai finalement été présenté à Jill Hasell, qui m’a à son tour introduit auprès des figures en bois – les atua – de Polynésie centrale, en me les apportant sur un chariot, une par une. J’ai eu le privilège de passer environ dix minutes avec chacune de ces figures divines polynésiennes, les quelques « idoles païennes » que l’iconoclasme qui avait déferlé sur toute la Polynésie au début du XIXe siècle n’avait pu détruire. Elles n’avaient pas été manipulées depuis leur entrée dans la collection du British Museum, environ un siècle plus tôt. J’ai délicatement humé la poussière vieille de deux cents ans nichée dans les fissures du bois (de façon respectueuse, rassurez vous). À ma grande surprise, l’odeur de chaque figure était tout aussi unique que son aspect visuel. En ce jour d’automne ensoleillé, une douce lumière jaillissait des fenêtres de la réserve, illuminant la splendide figure masculine Rarotongan du BM, véritable chef-d’oeuvre de sérénité. Je m’attendais presque à ce que l’un de ces anciens dieux me révèle sa présence, mais aucun ne s’est manifesté. Plus l’exposition progressait, plus je ressentais le besoin de travailler avec un confrère polynésien. Vairea Teissier, du musée de Tahiti, m’a fait comprendre qu’il était important d’avoir « le point de vue de l’intérieur », ce qui n’allait pas être facile étant donné que je n’étais pas polynésien. À l’époque, je n’ai pas réalisé que je disposais déjà d’un collègue polynésien comme partenaire principal dans ce projet : un atua tahitien âgé d’au moins deux cents ans. Ma relation avec cet atua avait débuté lors de mes premières visites au Bishop Museum à Honolulu en 2004. Je voulais en apprendre davantage sur l’histoire de chaque oeuvre polynésienne et le Bishop était l’endroit idéal pour commencer. Ses registres étaient alimentés depuis plus d’un siècle par des générations de spécialistes et de conservateurs. Betty Kam m’a donné accès aux dossiers, tandis que De Soto Brown et son équipe m’ont aidé à éplucher la documentation. J’ai dû faire vite, car je ne disposais que de quelques jours pour appréhender une immense quantité d’informations. Lors d’une pause, je me suis rendu dans la galerie polynésienne où j’ai découvert une vieille figure masculine tahitienne en bois. J’ai aimé son aspect et je l’ai photographiée sous divers angles. L’année suivante, je suis retourné au Bishop Museum. J’ignorais toujours sur quoi j’allais me focaliser, mais je suivais mon instinct. Je travaillais sur les dossiers et, pendant Dieux de Polynésie PAGE DE GAUCHE (dans le sens des aiguilles d’une montre) FIG. 6 : Akamata (à gauche), sculpté en 2004 et Taputu (à droite) en 2001, tous deux par Eruera Nia, Taputapuatea, Rarotonga, îles Cook, Polynésie centrale. National Gallery of Australia 2010.1182 & 2010.1183. Photo : Barry Le Lievre, National Gallery of Australia. FIG.7 : Détail d’une sculpture nommée Maee. Collectée à Hale o Keawe par Lord George Anson Byron, 1825. Hawaï, Polynésie septentrionale. Créée probablement au XVIIIe siècle ou avant. British Museum, Londres, Oc.1657. Photo : Barry Le Lievre, National Gallery of Australia. FIG. 8 : Ancêtre masculin monté sur le pont d’une pirogue / pénis. Îles Marquises, Polynésie centrale. Probablement XVIIIe siècle ou avant. Musée d’ethnographie, Genève. 8937. Photo : Barry Le Lievre, National Gallery of Australia. FIG. 9 : Deux personnages en tapa sur armature en canne. Rapa Nui (île de Pâques), Polynésie orientale. Probablement fin du XVIIIe ou début du XIXe siècle. À gauche : Peabody Museum of Archaeology and Ethnology, Harvard University, Cambridge, Massachusetts, 70/53542. À droite : National Museums of Northern Ireland, Belfast, 1910.41. Photo : Barry Le Lievre, National Gallery of Australia. À DROITE FIG. 10 : Dieu des pêcheurs, oramatua. Rarotonga, îles Cook, Polynésie centrale. XVIIIe ou début du XIXe siècle. Bois. H. : 42 cm. Staatliches Museum für Völkerkunde, Munich. Photo : Marietta Weidner. FIG. 11 : Dieu des pêcheurs, oramatua. Rarotonga, îles Cook, Polynésie centrale. Fin du XVIIIe ou début du XIXe siècle. Bois et peinture noire. H. : 33 cm. British Museum, Londres. © The Trustees of the British Museum. All rights reserved.


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