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MUSÉE spécial Archives de la créativité, ARCHIVES DE LA DIVERSITÉ HUMAINE 76 FIG. 2 (CI-DESSOUS) : Flûte à encoche taillée dans un fémur humain. République du Suriname, milieu du XVIIIe siècle ou avant. Os. L. : 35 cm. Rapportée de Guyane néerlandaise par Ami Butini et donnée à la Bibliothèque publique de Genève en 1759. MEG Inv. ETHMU K000134. © pour tous les visuels MEG-J.Watts. FIG. 3 (CI-DESSOUS) : Figurine anthropozoomorphe, chauve-souris (?). Zapotèque (?), Oaxaca, Mexique. VIe av. J.-C.au IXe siècle ap. J.-C. Terre cuite. H. : 22 cm. MEG Inv. ETHAM L000043. La ville de Genève a enfin son nouveau MEG ! Grâce au souhait unanime et aux efforts conjugués de la ville, du canton, des communes genevoises, avec le soutien de la population et la contribution du legs Hélène Lancoux, l’ancien musée à l’étroit dans l’école communale Carl-Vogt a fermé ses portes en septembre 2010. Le 31 octobre prochain un nouvel écrin, signé par les architectes Graber et Pulver, sera inauguré pour la présentation de la collection permanente et d’expositions temporaires de calibre international. Ce bâtiment dont la partie visible est couverte d’un entrelacs métallique (fig. 1), réminiscence de la vannerie traditionnelle, fait face à un jardin d’agrément conçu par Guido Haeger. Outre les espaces d’exposition, le musée comportera une boutique, un restaurant, des foyers, mais aussi trois salles pour des conférences, des spectacles et des projections de cinéma, un atelier de médiation et la bibliothèque Hélène Lancoux. Cette dernière permettra aux visiteurs d’approfondir leurs connaissances en consultant ou en empruntant des livres, des films et de la musique qu’ils pourront également choisir de consulter sur place dans un « cinéma de poche » et un « salon de musique ». «Musée d’ethnographie » appelle généralement l’idée du « musée du monde moins l’Europe », des sociétés exotiques, des pays lointains. À Genève, le MEG a pour vocation la conservation et l’étude de témoignages matériels et artistiques du monde entier, y compris de l’Europe. C’est l’un des rares musées ethnologiques au monde dans cette configuration. Ainsi les cultures matérielles, les arts populaires, les expressions religieuses vernaculaires du Vieux Continent y trouvent aussi leur place. Scénographiée par l’Atelier Brückner (Stuttgart), la collection permanente présente un millier d’objets en sept sections principales : un prologue historique, une présentation des collections des cinq continents et une section consacrée à l’ethnomusicologie. MISE EN LUMIÈRE D’UNE HISTOIRE PEU CONNUE Dès son arrivée, le visiteur est plongé dans un prologue historique permettant de se familiariser avec la provenance des collections ethnographiques à Genève. Cette histoire parle de cette petite ville cosmopolite et de son rapport au monde, mais plus largement aussi de l’évolution du regard européen sur les arts et les cultures du monde. Le nouveau MEG est Par Boris Wastiau l’aboutissement de ces histoires complexes de collecte, d’étude et d’exposition. L’espace introductif rassemble des objets surprenants, parfois insolites, qui permettent d’explorer les provenances très diversifiées. Y est aussi posée la question, sans réponse définitive, de ce que peut être l’objet ethnographique, largement défini par la notion de différence. Si elles trouvent leurs origines dans de nombreuses collections privées, les collections du MEG sont aussi directement issues des fonds de plusieurs institutions publiques qui l’ont précédé. Les pièces aux provenances les plus anciennes sont issues du cabinet de curiosités de la Bibliothèque publique (1702), ancienne bibliothèque du Collège fondée au XVIe siècle par Jean Calvin – qui avait envoyé Jean de Léry étudier les moeurs des Indiens du Brésil. Telle est l’origine d’un meuble en laque du Japon (ETHAS 021380) donné par le riche marchand Guillaume-François Franconis en 1707 qui, outre le fait qu’il est l’un des premiers en son genre parvenu en Europe, rappelle les relations commerciales de Genève avec la Compagnie néerlandaise des Indes à laquelle était rattaché son donateur. D’autres objets que nous présentons dans cette introduction historique intégrèrent le cabinet de la bibliothèque à cette époque où les voyages d’exploration battaient leur plein, animés par une ambition de construire une connaissance scientifique du monde, un projet d’une « science naturelle de l’homme ». Parmi ces oeuvres figurent les coupes libatoires ming en corne de rhinocéros (ETHAS K000237 et ETHAS 066132) offertes en 1758 par Micheli du Crest, sergent des gardes suisses en France, ainsi que des « dents de tigre » et une flûte en fémur humain (fig. 2) données à la bibliothèque en 1759 par le séminariste Ami Butini (1718-1780), devenu planteur esclavagiste au Surinam. Au XIXe siècle, les objets de ce cabinet rejoignirent le Musée académique (créé au 1818). Le regard porté sur eux se transforma du fait du développement des théories évolutionnistes dès la moitié du siècle. De nouveaux dons vinrent enrichir cette collection alors que, parallèlement, se développait la mise en place de réseaux d’approvisionnement en pièces. Il importait dès lors de constituer des séries dans une logique statistique, l’objet unique n’étant plus intéressant en soi. Dès 1863, le médecin Hippolyte-Jean Gosse (1834-1901) donna une nouvelle impulsion aux


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