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HISTOIRE d’objet 132 du matériel en fer forgé conservé par les devins associés à la force de l’edjo (fig. 7). Une communauté urhobo organise une fois par an une série de cérémonies complexes qui recréent les batailles livrées par les pères fondateurs, à grand renfort de démonstrations martiales perfectionnées (fig. 5). Des parties de ces cérémonies se déroulent devant les images du sanctuaire, minutieusement peint pour l’occasion au moyen de pigments blancs, rouges, noirs et jaunes. En 1910 environ, l’anthropologue britannique Northcote W. Thomas a photographié l’extérieur de l’un de ces sanctuaires où une cérémonie de ce genre était en train d’être célébrée (fig. 6). Les deux statues dont il est ici question dans ces pages auraient été conservées à l’intérieur d’un sanctuaire de ce FIG. 4 : Le sanctuaire d’Owedjebo, symbolisant le guerrier du même nom. Orherhe, Agbarho Urhobo, Nigeria du Sud, mai 1969. Photo : Perkins Foss. tout en possédant une légère concavité de part et d’autre. Cette double courbure est exécutée avec une telle précision qu’elle ne peut être l’oeuvre que d’un artiste confirmé. Comme l’a écrit Samuel Erivwo, « un amalgame de peuples d’origine béninoise, Igbo et Ijo » peuplait au départ le territoire urhobo.1 Ces peuples, connus par la suite sous le nom d’Urhobo, vivent sur la bordure ouest du delta du Niger. Ils honorent leurs ancêtres les plus vénérés au moyen d’objets d’art spectaculaires placés dans des sanctuaires. Figurant parmi les statues les plus impressionnantes dans toute l’Afrique, ces représentations grandeur nature, dont chacune est sculptée dans un seul tronc d’arbre, ont une stature imposante, une posture autoritaire et dégagent une aura mystérieuse et puissante.2 Elles incarnent les hommes et les femmes qui ont jadis lutté pour établir une communauté dans des conditions éprouvantes. L’art urhobo se comprend mieux lorsqu’il est envisagé au sein du contexte social et surtout religieux qui l’a vu naître. Les Urhobo scindent leur existence entre akpo (le monde des vivants) et erivwin (le monde des morts). Entre ces deux sphères de l’existence se trouve l’edjo,3 décrit par Erivwo comme « un nom générique désignant tous les êtres spirituels qui sont supposés exister dans une autre sphère. »4 Un edjo est un concept sacré de force ou d’« essence spirituelle »5 que l’on peut associer à pratiquement n’importe quelle présence. Il peut s’agir d’un endroit sur une rivière, d’un arbre ou même d’un lieu dans les airs, ou encore d’un groupe d’individus qui accomplissaient des actes typiquement héroïques. Ce dernier élément est fondamental pour le présent article. Dans tous les cas, l’edjo est identifié lorsqu’il apporte une sorte de pouvoir exceptionnel, en général surnaturel. Les capacités extraordinaires dont se servaient les fondateurs d’un village provenaient de l’edjo et durant ce processus, ces individus s’imprégnaient tellement de ces ressources mystiques qu’ils devenaient eux-mêmes edjo. Un exemple, cité par le chef Omamohwo, concerne l’histoire du guerrier Owedjebo qui, lorsqu’il livrait bataille, était considéré par l’ennemi comme étant « une personne réelle, pouvant être tuée », mais grâce à la protection de l’edjo, il devenait invincible et revenait victorieux.6 Ces individus sont célébrés par des statues en bois appelées « edjo-re-akare », littéralement « edjo sous forme sculptée ». Ces oeuvres d’art sont créées pour exister au sein des enceintes des sanctuaires, chacun prenant la forme d’un bâtiment indépendant (oguan re edjo). Les edjo-re-akare sont rassemblés dans le sanctuaire en compagnie d’autres éléments divers qui mettent en valeur la puissance visuelle de la scène : un récipient en céramique contenant des remèdes sacrés (orhan), les crânes des animaux sacrifiés une fois par an, des bâtons en bois appartenant à des chefs de famille et


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