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DOSSIER FIG. 14 : Figure d’ancêtre A. Acquise par le « Dutch Ethnological Missionary Museum » de Tilburg en 1937. Cette sculpture est visible sur les fig. 9, 12 et 13. Photo : Benn Deceuninck. Avec l’aimable autorisation des collections ethnographiques de l’université de Gand. suivent. Viegen raconte comment les hommes pointent sans cesse du doigt la mer, puis l’eau, puis leurs yeux. Serait-ce lié au corps du vieil homme retrouvé dans l’eau auparavant ? « Quand j’ai mimé la position de l’homme décédé, une clameur générale s’est élevée. Avec des gestes, ils ont bien fait comprendre que le corps provenait de chez eux … certains hommes étaient couverts d’argile jaune de la tête aux pieds, vraisemblablement en signe de deuil. » Le contact s’améliore constamment et une clameur retentit lorsque le capitaine Le Cocq tire une bouffée d’un cigare qu’on lui tend, roulé dans des feuilles vertes. Pour le 29 avril, le journal indique : « Pendant la journée, la population des villages voisins nous a rendu visite à trois reprises. Au total, trente-cinq hommes vaillants apparaissent en même temps. Quelques objets ethnographiques sont échangés. »12 Pendant ce temps, Chaillet est parvenu à réaliser quelques croquis des montagnes depuis le poste d’observation dans l’arbre et a effectué les mesures nécessaires. Le 30 avril, l’expédition lève le camp et retourne sur le Ketti. Ils arrivent rapidement à l’endroit où ils sont entrés sur le fleuve. Ils décident de mettre à profit le temps qu’il leur reste pour poursuivre leur exploration et le travail de cartographie de l’embouchure du fleuve. Très vite, ils réalisent que personne n’a encore jamais navigué sur ce fleuve situé entre le Hellwig et le Bloemenriver. En mémoire d’un missionnaire qui s’était noyé sur la côte méridionale en 1896, ils décident de le baptiser « fleuve du père Le Cocq d’Armandville ».13 Viegen écrit : « Le chef de cette expédition, neveu du missionnaire en question, ne pouvait couronner son dur labeur d’une meilleure manière qu’en honorant son oncle. Le 2 mai, ils retournent au bateau de bivouac Zwaluw, où Viegen doit attendre le retour du Valk. Il ne reviendra pas avant une semaine et Viegen passe donc son temps à lire tous les livres disponibles sur la Nouvelle- Guinée et écrit que « les indigènes montent à bord de temps à autre pour se livrer à des échanges. » Peu après son arrivée, le Valk redescend le fleuve Nord-Ouest avec Viegen à son bord. Il écrit : « Nous sommes partis sous de fortes pluies, et nous avons longé des villages sans même les voir. Nous allions toutefois faire escale dans le dernier village. » Le bateau jette l’ancre et les canoës s’agglutinent une nouvelle fois autour du navire. La demande en fer n’a pas diminué, bien au contraire. Viegen dispose d’une boîte de clous et observe : « Très vite, les échanges sont devenus extrêmement animés. J’ai épuisé tout mon stock. J’ai procédé de la sorte des heures durant, échangeant chaque petite babiole contre un clou. » Tandis que Viegen s’affaire au commerce, le capitaine Le Cocq fait l’objet d’une sorte de rituel. Il apparaît soudain devant Viegen, le front entièrement recouvert de chaux : « Vous avez manqué ça, pasteur ! » S’agit-il d’un « nouveau » fleuve ou naviguent-ils sur le Bloemenrivier ? Le Ketti s’embourbe régulièrement au cours du processus de cartographie du delta. Chaillet triangule méticuleusement quelques points de repère le long de l’embouchure du fleuve, puis tout le monde repart vers l’amont le 22 avril. Le fleuve s’élargit et la végétation marécageuse fait place à des bambous, des rotangs et des arbres à pain. Ils longent un village, mais n’aperçoivent personne. Les troncs d’arbres brisés qui flottent sur l’eau deviennent si nombreux qu’ils décident de continuer avec les canoës. Viegen note que le voyage est aussi monotone que le jour précédent, mais « soudain, les hommes abaissent leurs pagaies … ils me font comprendre que je dois me tenir tranquille et murmurent, “ Un crocodile, juste là ! Vous le voyez flotter sur l’eau ? ” Oui, je le voyais, un animal géant ! Quelques instants plus tard, nous nous sommes rendu compte que ce crocodile était en réalité le cadavre d’un homme, les genoux repliés, flottant sur le fleuve. » Le 24 avril, ils passent devant un petit village et aperçoivent des gens pour la première fois. Ils comptent vingt hommes et, devant l’insistance des explorateurs, certains d’entre eux finissent par s’approcher en canoë. Après avoir reçu quelques cadeaux, les hommes rejoignent rapidement la rive. Le lendemain matin, l’expédition arrive à un endroit où le fleuve se ramifie autour de plusieurs îles. Le temps s’est désormais éclairci et pour la première fois, Viegen aperçoit la chaîne de montagnes. Le journal de Le Cocq indique : « Nous avons installé un campement sur l’une de ces îles … pour pouvoir prendre des mesures des montagnes depuis cet endroit. Nous avons établi un poste d’observation dans un grand arbre. » Depuis sa tente, Viegen dispose d’une belle vue sur les montagnes. Pendant la nuit, il se met à pleuvoir abondamment et le lendemain, le ciel est tellement couvert que les montagnes sont cachées par les nuages. Viegen écrit : « L’homme propose, mais Dieu dispose. » Heureusement, des indigènes commencent à se montrer. Uniquement des hommes au début. Dans le journal, nous lisons qu’ils ne portaient pratiquement aucune décoration, hormis sporadiquement un étui pénien ou un ornement nasal. « En règle générale, ces hommes sont cependant complètement nus … certains ont recouvert le haut de leur corps d’une substance jaune, puis y ont dessiné des figures avec leurs doigts. » Ici aussi, on leur demande du si et les indigènes font signe à Viegen de venir les rejoindre dans leur canoë. Bien que Viegen ait envie de connaître leurs intentions, il préfère quand même ne pas s’y risquer. « Je n’ai malheureusement qu’une seule tête et elle m’est trop chère pour la risquer au nom du savoir. » Les contacts ultérieurs sont difficiles. Quand Viegen s’approche des hommes, ils reculent, mais lorsqu’il s’en va, ils le


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