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DOSSIER amont. Outre de nouvelles troupes, le Valk apporte également 116 des fournitures. Lorsque l’on propose à Viegen de prendre part à ce voyage, il se montre hésitant au début, d’après ses lettres. Peut-il abandonner son poste de mission pendant une si longue période ? L’assistent-resident lui fait toutefois remarquer que la région bordant le fleuve est densément peuplée et lui promet qu’ils s’arrêteront dans les différents villages pour qu’il puisse faire connaissance avec ces nouvelles tribus. Cette perspective réjouit Viegen car, comme il l’a écrit, son principal rôle en tant que missionnaire est de s’intéresser aux gens. Il s’empresse d’accepter l’offre de Coenen. Aux petites heures du premier dimanche après Pâques et au début de la saison de la mousson, Viegen embarque sur le Valk à destination du fleuve Nord-Ouest. Le mardi après-midi, le Valk glisse dans la baie de Flamingo. Le relief plat, à la végétation clairsemée, est truffé de rivières ramifiées, de deltas et de remous. À 14 heures environ, ils prennent la direction du fleuve Nord-Ouest et après quelque temps, ils constatent que plusieurs canoës quittent les rives. À un moment donné, ils dénombrent cent treize embarcations autour du bateau. Comme ils ne peuvent atteindre le détachement de l’exploration avant la tombée de la nuit, ils décident de jeter l’ancre pour la nuit. Viegen écrit qu’aussitôt fait, le commerce avec les Asmat démarre à un rythme effréné. Cochons, casoars, poissons, perruches, paquets de flèches, boucliers – tout est hissé sur le bateau dans le but d’être échangé contre du si (fer), la seule monnaie acceptée. Les Asmat ne s’intéressent nullement aux objets en coton et ne daignent même pas jeter un regard aux petites poupées en jupes rouges et bleues que Viegen a apportées. Ces gens sont aussi des chasseurs de têtes, remarque ce dernier, quelque peu résigné. Les hommes dans les pirogues lui offrent des chapelets de crânes en échange d’un simple clou en fer. Pour le père Viegen, il est manifeste que ces gens ne trouvent rien de mal à cette horrible pratique. Cela ne l’empêche pas d’écrire immédiatement après être persuadé que « ces gens peuvent devenir de bons chrétiens. » Durant ces échanges commerciaux frénétiques à l’embouchure du fleuve, Viegen rassemble quelques boucliers, mais cette transaction est mentionnée tellement brièvement dans ces récits qu’on pourrait facilement la négliger. Pas de détails, de numéros, de descriptions. Il écrit qu’un homme a fabriqué une « hache miniature » avec deux morceaux de bois pour montrer ce qu’il voulait en échange de ses marchandises. Viegen a aimé l’idée et lui a donné un couteau en cadeau. Il ignore totalement ce que les Asmat font avec tous ces clous. Trois semaines plus tard, lorsqu’il reçoit une figure humaine sculptée, il constate qu’elle porte un bonnet fabriqué en fibre tressée maintenu en place par un clou, « ce qui indique qu’ils ont bien compris comment on utilise des clous. » Pendant cette brève escale, Viegen tente d’obtenir quelques informations sur la langue, mais il s’avère impossible d’interroger quiconque : « Ils étaient totalement absorbés par les échanges commerciaux, ils n’avaient d’yeux que pour cela. Rien ne les intéressait, si ce n’est amasser le plus de fer possible. » Tôt dans la matinée, le navire reprend sa route et à environ 11 heures, le Valk est amarré au « bateau de bivouac » Zwaluw.8 L’équipage qui y est stationné travaille sur les mesures relevées et s’emploie à cartographier l’embouchure du fleuve Nord-Ouest. Le commandant du détachement de l’exploration, le capitaine Le Cocq d’Armandville (fig. 5),9 ainsi que le luitenant-ter-zee J.-L. Chaillet10 (fig. 6) montent rapidement à bord. Il s’avère que le père Viegen et le capitaine Le Cocq se connaissent, et Viegen écrit : « C’était plaisant de les rencontrer dans cette solitude et ces étendues sauvages à perte de vue. Le fait que le commandant soit une ancienne connaissance provenant de la même ville que moi a rendu ce moment bien plus agréable encore. » Cependant, le plaisir est de courte durée, et le capitaine les informe que plusieurs de ses hommes souffrent d’une « terrible maladie des intestins. » Six hommes ont déjà péri et les douze restants doivent être évacués le plus vite possible. Parmi les malades, le responsable médical se trouve entre la vie et la mort. On décide que les malades seront transportés à l’hôpital d’Ambon à bord du Valk. Viegen ne peut donc pas retourner à Merauke – en tout cas, pas à ce moment-là. Que faire ? Le capitaine Le Cocq propose une solution : pourquoi Viegen ne se joindrait-il pas à l’expédition ? Un périple de quatorze jours a été prévu dans le but d’explorer les voies navigables à l’ouest du fleuve Nord-Ouest et d’effectuer des recherches supplémentaires sur la chaîne de montagnes. Maintenant qu’il n’y a plus de médecin à bord, ils auront sans doute besoin d’un pasteur. Extrait des notes militaires : « À l’invitation du commandant du détachement, le père Viegen prend part à l’expédition, de sorte qu’il puisse tester, auprès des peuples vivant ici, les théories issues de ses études approfondies des coutumes et traditions de la population. »11 Le 19 avril, à l’aube, Viegen embarque à bord du navire d’exploration Ketti. « À six heures et demie précises, le signal retentit et la flotte se met en mouvement. Elle se compose du Ketti, un honnête bateau à vapeur d’environ 25 tonnes (fig. 7), de deux corvettes et six pirogues. » L’expédition compte soixante-seize hommes, sans parler des trente-sept travailleurs forcés. Le Ketti remonte bientôt l’Antassan, qui relie le fleuve Nord-Ouest au fleuve Hellwig (fig. 8). Toute la journée, Viegen n’aperçoit que bois et marécages. Il ne cesse de pleuvoir et le fleuve est rempli de morceaux de bois. Ils ne rencontrent personne et jettent l’ancre PAGE OPPOSÉE FIG. 12 (À DROITE) : Stand des MSC lors d’une exposition missionnaire à ’s-Hertogenbosch, du 26 au 30 juin 1920. Sur ce stand, deux boucliers sont visibles et je leur ai attribué les numéros 20 et 21 lors de mes recherches. Juste à côté des poteaux devant le stand, nous voyons quatre images. Voir fig. 9, de gauche à droite : sculptures E, A, J et H. Avec l’aimable autorisation des capucins de Tilburg. FIG. 13 : « Un stand qui a particulièrement attiré l’attention » pendant la conférence missionnaire tenue à Maastricht du 12 au 14 juillet 1921. Sur le mur, on distingue deux boucliers (de gauche à droite : 20 et 1) et deux sculptures (voir fig. 9, lettres C et A).


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