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Lignes sur l’horizon 105 À mesure que les États-Unis renforçaient leur autorité dans la région, en particulier après la signature du Traité de Guadalupe Hidalgo en 1848, des hommes et des femmes travaillant dans les domaines émergents de l’anthropologie et de l’archéologie commencèrent à documenter les peuples indigènes anciens et contemporains du Sud-Ouest ainsi que leurs cultures matérielles. De nombreux objets, notamment des artefacts archéologiques, des poteries et des paniers produits pour le marché en plein essor des « curiosités indiennes », ainsi que des objets d’une importance sacrée inestimable, finirent par se retrouver dans les salons de collectionneurs et dans les salles et les réserves de musées. Les relations parfois difficiles et souvent inégales entre le chercheur et son sujet d’étude qui émergèrent à cette époque donnèrent naissance à de nombreux mythes, dont certains concernent la célèbre artiste Nampeyo de Hano Pueblo (vers 1860-1942). Née d’un père Hopi et d’une mère Tewa, Nampeyo était une potière confirmée dès les années 1880. Bien que des récits ultérieurs concernant sa vie aient sous-estimé sa connaissance des traditions anciennes, elle connaissait très probablement la poterie de Sikyatki, dont les vestiges se trouvaient à proximité de Hano. Ce site n’a été officiellement fouillé qu’en 1895, mais les Hopi et d’autres peuples étaient de toute évidence déjà au courant de son existence et de son importance. À l’instar des céramistes zuni de la fin du XIXe siècle qui utilisaient des tessons pilés de poteries anciennes comme dégraissants pour la création de nouveaux récipients, Nampeyo et d’autres peintres s’appropriaient les anciens matériaux en développant de nouveaux langages inspirés par l’art du passé (fig. 6a-b). Plusieurs membres de sa famille aidèrent Nampeyo pour la finition de ses oeuvres après la détérioration de sa vue, dès la fin de son adolescence. Ces derniers devinrent par la suite des artistes à part entière. L’art textile navajo Dès leur apparition au début du XIXe siècle, les couvertures classiques navajo devinrent des objets très convoités, aussi bien par les les habitants natifs du Sud-Ouest que par les étrangers qui s’y étaient établis. Les exemplaires de cette époque qui subsistent, considérés comme l’apogée de la tradition textile du Sud-Ouest, sont désormais conservés dans des collections privées et muséales. La sélection raffinée de textiles de la Weisel Family Collection est représentative des développements majeurs dans l’art du tissage navajo de la période classique. Descendants des tribus parlant les langues athapascanes, les Navajo arrivèrent dans le Sud-Ouest en provenance de l’ouest du Canada. Ils se donnaient eux-mêmes le nom de Dineh, « le peuple ». Il est généralement admis que les femmes navajo apprirent la technique du tissage auprès des Pueblos à la fin du XVIIe siècle lorsque ces derniers, désireux d’échapper au joug espagnol, vinrent habiter avec les Navajo. En moins d’un siècle, ces derniers s’érigèrent comme les tisserands majeurs du Sud-Ouest américain. En 1788, après avoir escorté jusque chez lui un chef navajo, Antonio El Pinto, qui était emprisonné à Santa Fe, l’espagnol Vincente Troncoso raconta : « Ils fabriquent les meilleurs et les plus élégants textiles qui soient ; sarape, couvertures, châles, tissus de coton, écharpes et autres pièces pour se vêtir et pour les vendre. » La période classique du tissage navajo est généralement considérée comme allant de 1800 à 1864, une époque marquée par de nombreux conflits entre les populations indigènes, les Espagnols, les Américains, les Mexicains et les Euro-Américains qui luttaient pour prendre le contrôle des territoires de l’Ouest. Cette époque de trouble et de transition mit les Navajo en présence de nouveaux matériaux, de nouvelles perspectives et de nouveaux marchés et s’avéra être l’une des périodes les plus fertiles dans la tradition émergente du tissage. Au début des années 1800, les Navajo s’éloignèrent des techniques de tissage à armure toile – et sergé – prisées par les Pueblos et se mirent à tisser presque exclusivement selon la technique de la tapisserie, en utilisant des fils réalisés à la main de couleur blanche et brun foncé issus de la laine du mouton churro, introduit par les Espagnols en 1598. Ces nuances naturelles étaient complétées par des fils teints en bleu foncé au moyen d’indigo obtenu auprès de colons espagnols, puis plus tard par des fils FIG. 9 (PAGE DE GAUCHE) : Sarape. Navajo, Arizona / Nouveau-Mexique. Vers 1850. Laine ; armure toile, tapisserie entrelacée, trame incurvée excentrée. 231,1 x 157,5 cm. Promesse de don de la famille Thomas W. Weisel aux Fine Arts Museums of San Francisco, L12.103.20. FIG. 10 : Masque. Tsimshian, Alaska/Colombie- Britannique. Vers 1800–1850. Bois, pigments et coquillages incrustés. H. : 25,5 cm. Don de la famille Thomas W. Weisel aux Fine Arts Museums of San Francisco, 2013.76.125.


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