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Charles Meur Si l’art du Pacifique, à l’époque où Cook sillonnait les mers, nous est parvenu au travers de merveilleux récits de ses voyages voici plus de deux cents – la photographie n’existant pas encore, c’est grâce aux superbes dessins de Wéber dont certains, gravés, sont devenus des icônes universelles, que l’on, a pu voir les premières représentations de l’art et des habitants de cette région du monde. Il y a plus de trente ans sont apparues, en Belgique, des cartes richement illustrées 156 sur les ethnies du Congo, des atlas et des livres où le dessin prévalait sur l’image, renouant avec les traditions des premières expéditions. Suivirent des monographies sur les armes de l’Afrique centrale et de nombreuses illustrations pour des dizaines de livres, d’affiches, de catalogues d’expositions… La liste serait trop longue. À l’origine était le verbe certes. Et Charles Meur l’avait, riche et cultivé, narquois ou ironique ; sa plume était des plus belles. De nombreux articles portent sa signature comme celui sur les masques de Tanzanie rédigé dans le seul livre traitant de l’art rituel de ce grand pays, et la superbe et précise introduction sur ce qu’est l’ivoire qu’il a écrite, et surtout dessinée, pour le premier volume de White Gold, Black Hands. Passionné de photos il captera d’abord l’émotion et puis la beauté. C’est à lui que nous devons la plus grande carte ethnolinguistique de l’Afrique, dessinée avec une précision et une rigueur scientifiques incontestées et les milliers de dessins dans le « livre brun » analysant la sculpture des différents groupes Bakongo (Art et Congo’s). Sa maladie, cet été, et puis sa mort fin novembre l’empêcheront de terminer le septième volume de l’octogone que constituent les ouvrages magistraux sur les ivoires du Congo, White Gold, Black Hands. La plupart des musées, fondations et universités, d’Anvers à Zanzibar en passant par Branly, Harvard et Tervuren, ainsi que les collections prestigieuses ou discrètes possèdent et s’enrichissent en permanence des oeuvres de Charles Meur au travers des livres et catalogues publiés par Marc Félix et d’autres. Charles était un érudit, peintre, cartographe, photographe, cinéaste, écrivain et journaliste, mais surtout un gourmand de la connaissance comme de la vie, un ami fidèle aussi précis que précieux. La peinture et l’histoire étaient ses muses. « A Renaissance Man » au sens noble de l’expression. Mais pour ceux qui le connaissaient ou lui rendaient visite dans son poste de commande caché dans les arcanes du centre de recherche sur l’art du bassin du Congo à Watermael, c’était aussi et surtout un homme délicat, discret et généreux, toujours disponible pour son frère et complice Marc Felix. Avec les mois qui passent, la peine s’estompe certes, mais l’ampleur de l’oeuvre accomplie par Charles Meur, elle, chaque fois qu’un de ses dessins est découvert par un nouvel amoureux des arts primordiaux, grandit, s’enrichit, et ce pour la nuit des temps. Si un jour par un beau ciel d’été, la Voie lactée prend des allures de masques africains, ne cherchez pas le magicien, vous le verrez avec ses pinceaux et sa crinière blanche déformer les poussières d’étoiles. Pierre Loos Martha Longenecker Décédée en novembre dernier des suites d’une brève maladie, Martha Longenecker, faisait partie des rares personnes dont la sensibilité artistique, la volonté et l’infatigable persévérance ont marqué durablement le monde de l’art. Professeur d’art à la San Diego State University, artiste, et fondatricedirectrice du Mingei International Museum à San Diego, elle comprenait le pouvoir de l’expression visuelle et sa relation à la dimension spirituelle de soi, ainsi qu’à l’humanité dans son ensemble. J’ai rencontré Martha pour la première fois en 2003, lors des obsèques de Billy Pearson, le père de ma femme Mia Pearson. Billy et Martha se connaissaient depuis plus de cinquante ans, et nourrissaient une passion commune pour l’art, caractérisée par le même regard critique. Au cours de la décennie suivante, j’ai appris à connaître Martha et à apprécier sa vitalité et son implication dans l’art en tant qu’art pour le peuple dans ses nombreuses et différentes expressions, en particulier l’art tribal et celui des anciennes traditions non occidentales. Dès son plus jeune âge, l’art s’imposa comme un élément moteur de sa vie. Elle obtint un diplôme artistique à l’université de Californie à Los Angeles, puis, à une époque qui s’avérera déterminante, rencontra et étudia auprès du vénérable Millard Sheets, personnalité aux multiples talents. Sous son aile, elle passa une maîtrise en beaux-arts à l’université de Claremont puis résida dans le domaine de Sheets à Claremont, le lieu de prédilection des artistes en tout genre. Pendant la guerre, elle y installa son premier four à poterie et commença à créer des oeuvres en céramique. De 1944 à 1964, ses pièces furent exposées et vendues aux États-Unis par les galeries Dalzell Hatfield. En 1952, elle assista à un séminaire à Los Angeles donné par Soetsu Yanagi, Shoji Hamada et Bernard Leach, un cadeau offert par sa mère. Tout au long de sa vie, elle restera marquée par l’influence de ces hommes qui contribueront de multiples façons à l’identité de son propre travail. Cette influence inspirera finalement l’approche esthétique adoptée lors de la fondation du Mingei en 1974, où les pièces étaient exposées presque sans aucune interférence verbale ou physique, afin que les visiteurs puissent admirer la beauté de l’objet libéré de toute entrave. Martha se montrait intransigeante quant au choix des oeuvres et à la façon de les présenter, comme j’ai pu le constater d’emblée lorsque je l’ai aidée pour une installation. Ce fut épuisant, mais le résultat se révéla exceptionnel. Son héritage repose désormais dans les personnes qu’elle a formées et inspirées (dont moi-même), l’art qu’elle a créé, et surtout, au Mingei International Museum, plus dynamique que jamais, entre les mains expertes de son directeur actuel, Rob Sidner. Le nom de Martha et son influence esthétique innovante perdureront longtemps dans ce musée, sa création. Cliff Niederer EN hommage Martha Longenecker, vers 1970. Portrait tiré de Dave Hapton, San Diego’s Craft Revolution: From Post-War Modern to California Design, Mingei International Museum, 2011. Portrait de Charles Meur. Avec l’aimable autorisation de Marc Felix.


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