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Dans cette histoire d’objet, nous allons aborder l’une des oeuvres les plus emblématiques de l’art luba : le très fameux masque-heaume cornu EO.0.0.23470 (fig. 1-4). Ce masque fut collecté par l’officier O. Michaux lorsqu’il occupa militairement le village de Luulu en mars 18961 (Ceyssens, 2011, p. 44-46). En 1919, le masque rejoignait 126 les collections du MRAC et entrait par cette voie dans le monde de l’exposition muséale (fig. 6), des publications (fig. 3) et des produits dérivés tels que les porte-clefs et les timbres (fig. 5). Pourtant, l’intégrité plastique même du masque et son image tant plébiscitée ont fait l’objet de quelques modifications au cours du XXe siècle. Ainsi, peu de temps après l’arrivée du masque au MRAC (Musée royal de l’Afrique centrale), un membre du musée crut bon d’adjoindre une jupe en fibres végétale de la région des Bangala au cou du masque dans un souci de bonne présentation muséale (fig. 4). Cet ajout, probablement effectué dans les années 1920, resta en place jusqu’au début des années 1960. Durant cette même période, un élément faisant partie intégrante du masque connut une saga assez intéressante ; il s’agit de l’oiseau figurant à l’arrière du crâne. Ce volatile, certainement déjà très endommagé lors de son arrivée au musée fut plusieurs fois restauré et était présent en même temps que la « jupe » bangala dans les années 1920 (fig. 6). Par Julien Volper Il disparut par la suite2 et ne retrouva définitivement son « perchoir » que dans le courant de l’année 2005 durant laquelle le masque prestigieux fut restauré. Or, nous allons voir que si l’ajout puis le retrait de la « jupe bangala » n’eut guère d’influence sur l’étude du masque, il n’en va pas de même pour l’oiseau ; ce dernier élément se heurte aux énigmes indissociables de l’analyse de l’objet, dont nous allons maintenant aborder certains aspects. Cornes ou tresses ? Ce qui frappe lorsqu’on observe le masque de Tervuren, c’est l’harmonie entre le visage humain paisible, comme empreint d’onirisme, et les protubérances qui l’encadrent de manière dynamique. Si nous utilisons ici le terme neutre de protubérances, c’est que les avis divergent quant à leur interprétation. Certains auteurs y voient une forme de coiffure, d’autres en revanche croient discerner des cornes animales. Qu’en est-il exactement ? Pour les partisans de la coiffure, ces protubérances ne sont rien d’autre qu’un assemblage de la chevelure en tresses dont l’aspect rappelle celui de cornes.3 Cette interprétation se fonde en partie sur l’étude de photographies, de dessins, de notes portant sur des coiffures aujourd’hui disparues du Katanga et du Kasaï, comme les aquarelles de W. F. P. Burton (fig. 7). En résumé, les partisans de la coiffure ne rejettent FIG. 1 : Masque-heaume. Luba, R. D. Congo. Bois (Ricinodendron rautanenii). H. : 38 cm. Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, EO.0.0.23470. Collecté par O. Michaux en mars 1896, dans le village de Luulu, région de Kabongo. © Musée royal de l’Afrique centrale. PAGE SUIVANTE FIG. 2 (EN HAUT À DROITE) : Vue frontale de la fig. 1. © Musée royal de l’Afrique centrale. FIG. 3 (EN BAS AU MILIEU) : Photo couleur du masque de la fig.1. Il s’agit certainement du cliché le plus utilisé dans les publications récentes. © Musée royal de l’Afrique centrale. Photo : R. Asselberghs. FIG. 4 (EN BAS À DROITE) : Vue latérale de la fig. 1. © Musée royal de l’Afrique centrale. HISTOIRE d’objet Ce que peut dire un masque RÉFLEXIONS ICONOGRAPHIQUES AUTOUR D’UN CHEF-D’OEUVRE DU MRAC


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