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FIGURES DE SORCELLERIE MASSIM 123 FIG. 7 (PAGE PRÉCÉDENTE) : Spatule à chaux. Aire massim, Papouasie-Nouvelle- Guinée. Bois. L. : 39,7 cm. Melbourne Museum, X49820 – 297/7. Donation de Mme L. A. Rogerson en 1958 et visiblement achetée à Port Moresby en 1920. Image © Melbourne Museum. FIG. 8 : Spatule à chaux. Aire massim, Papouasie-Nouvelle- Guinée. Bois. L. : 26 cm. Chris Abel Collection, Alotau, Papouasie-Nouvelle-Guinée. Anciennement dans la collection de feu Cecil Abel. Image © Richard Aldridge. FIG. 9 : Spatule à chaux. Aire massim, Papouasie-Nouvelle- Guinée. Collectée par Patrick Glass sur l’île Normanby en 1993. Bois. Lieu actuel inconnu. Image © Harry Beran. Une figure sur pied Dans son essai de 1974, Cecil Abel dit avoir vu une « figure d’esprit en bois d’environ cent trente centimètres de haut, pourvue d’un long museau et d’énormes oreilles » dans un village de Baie Milne. Il n’existe aucune photo de cet objet qui, d’après ce qu’il raconta à Beran au début des années 1990, était arrivé sur la côte depuis la vallée de Buhutu, où il avait été utilisé par un sorcier. Effrayés, les habitants de la côte décidèrent de l’enterrer. Malheureusement, Abel ne mentionna pas dans son essai à quel moment et à quel endroit il vit cette figure, ni où elle fut enterrée, et Beran, qui le connaissait, oublia de le lui demander. Étant donné qu’il est né en 1903 et qu’il passa pratiquement toute sa vie en Papouasie-Nouvelle-Guinée, il se pourrait qu’Abel l’ait aperçu dès la première partie du XXe siècle. Réflexions et analyse L’utilisation d’objets ornés de figures à longues oreilles et long museau s’est limitée au sud-ouest de l’aire massim. Cinq des neuf figures à longues oreilles et long museau représentées sur des spatules, la figure-piquet, et la figure sur pied y furent collectées et observées (fig. 1, 3 à 5, 9 et 10, ainsi que la figure vue par Cecil Abel). La spatule de la figure 2 fut achetée à Samarai, mais faisait partie d’une collection qui avait été acquise auparavant dans les environs de Port Moresby. Celles des figures 6 et 7 furent achetées respectivement à Sydney et Port Moresby. La spatule de la figure 8 a été collectée dans un lieu inconnu à ce jour. Ces quatre dernières pièces sont clairement d’origine massim et ont probablement vu le jour dans la partie sud-ouest de la région. La variété de leurs styles suggère qu’elles furent créées par plusieurs artistes et que cette tradition de sculpture était importante aux XIXe et XXe siècles. Les sculptures sur les figures 1 et 2 sont très proches sur le plan de la conception et du style, à tel point qu’elles ont sans doute été créées par la même personne. La figure-piquet de la figure 10 pourrait également être l’oeuvre du même artiste ou d’un sculpteur maîtrisant le style employé par l’auteur de ces spatules. Les oreilles de la figure-piquet ne sont pas anormalement longues, mais sa tête est pratiquement identique aux têtes des figures ornant les spatules citées. Il est possible que les oreilles soient par comparaison plus courtes afin d’éviter de les endommager lors de leur utilisation avec le filet à cochon. Cela dit, elles pourraient aussi avoir été raccourcies après avoir été abîmées. Sur le plan du style, les sculptures sur les spatules des figures 3 à 6 sont tellement différentes les unes des autres et de celles des figures 1 et 2 qu’elles ont vraisemblablement été créées par quatre autres artistes. Celles des figures 7 à 9 sont peut-être l’oeuvre d’un seul sculpteur ou éventuellement de deux ou trois artistes partageant un style similaire. Ils sont en tout cas différents des sculpteurs ayant réalisé les autres spatules mentionnées. La sculpture de la figure 5 constitue une énigme stylistique. La tête du personnage est sculptée en trois dimensions, à l’instar des têtes des figures ornant les spatules des figures 1 et 2, mais les oreilles diffèrent dans leur rendu. Toutefois, le corps de la figure est sculpté d’une manière extrêmement stylisée, presque en deux dimensions, comme cela est souvent le cas des représentations anthropomorphes accroupies ornant habituellement les spatules à chaux. Les objets qualifiés ici de spatules à chaux remplissaient deux fonctions. La plupart ont apparemment été utilisées pour la mastication de la noix de bétel, mais le vendeur de la spatule de la figure 3 informa Aldridge qu’elle était utilisée en sorcellerie. Comme mentionné précédemment, les spatules à chaux servent à faire passer la chaux d’un récipient vers la bouche. L’extrémité de la lame est mouillée avec la langue, plongée dans la chaux en poudre, puis la chaux est léchée. Au fil du temps, ce procédé laisse un dépôt sur la lame qui est parfois nettoyée avant que la spatule soit vendue. Une utilisation prolongée de la spatule entraîne également des signes d’usure sur l’extrémité de la lame. Aucune des spatules dont il est question ici ne présente des traces évidentes de salive teintée sur la lame ; cependant, la spatule de la figure 1 semble en porter de petites traces et l’usure observée sur les lames des figures 2 et 5 à 7 suggère qu’elles ont rempli une fonction de spatule à chaux. Les spatules des figures 3, 4 et 8 ne montrent, par contre, aucun signe d’une telle utilisation. En ce qui concerne la spatule de la figure 9, il n’y a aucun indice probant. En conséquence, il semble que la spatule de la figure 3 ne soit pas la seule parmi celles analysées à avoir été utilisée essentiellement à des fins de magie et à avoir très rarement, voire jamais, servi de spatule à chaux.


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