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FIGURES DE SORCELLERIE MASSIM 121 que la spatule avait fait, ils la brûlèrent. Tandis qu’elle se consumait, les morceaux de gingembre attachés autour du cou de la figure explosèrent et s’envolèrent vers le village de Veri Veri. De là, ils se répandirent à travers la région de Suau et la vallée de Buhutu, octroyant aux habitants des pouvoirs magiques. La spatule de la figure 2 fut achetée en 1918 par Edgar Waite, directeur du South Australian Museum. Elle figurait dans la collection de Mme Gotham du Cosmopolitan Hotel de Samarai. Bien que l’ensemble de la collection soit identifié comme provenant de « Kuku ou Tauriri à environ deux cent quarante kilomètres de Port Moresby ou Lake Kemu » (Craig 2007: 176), la spatule est clairement d’origine massim et quasi identique à la spatule de la figure 1. Quand à celle reproduite en figure 3, elle fut collectée par Richard Aldridge à Buiari, une petite île située à un kilomètre au large de la côte sud de l’île Basilaki. On lui dit qu’elle était capable de protéger la maison de la sorcellerie et qu’elle vibrait ou émettait un son en cas de présence « maléfique ». On lui dit également que la spatule n’était pas utilisée pour mâcher de la noix de bétel, mais conservée à l’intérieur de la maison à des fins de protection. Son propriétaire lui expliqua qu’elle avait été sculptée par Nakan Isi, son grandpère. Quand Aldridge acquit un autre exemplaire du même type (fig. 4), on lui dit qu’il remplissait une fonction identique. Abel Abel collecta la spatule de la figure 5 qui, lui dit-on, servait à garder la maison, une fonction similaire à celle des figures 3 et 4. Aldridge se rendit à nouveau sur l’île de Buiari en 2011 et apprit que si les esprits volants des sorcières repèrent une spatule à chaux gardant la maison la nuit, ils la perçoivent comme un instrument de sorcellerie et s’en éloignent. La lame de la spatule de la figure 6 porte l’inscription : « Couteau à chaux de chef provenant de Nouvelle-Guinée britannique. Sydney 26 / 5 / 98 », suggérant qu’elle fut acquise à Sydney, en Australie, en 1898. Elle se trouve à présent au Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa. D’après Sean Mallon, conservateur en chef pour le Pacifique, la lame ne présente pas de taches évidentes de salive, mais son contour semble usé (communication personnelle, 18 septembre 2012). Dès lors, on peut en déduire que le rôle de l’objet dans la mastication de noix de bétel fut secondaire, voire inexistant. L’endroit exact de Nouvelle-Guinée britannique où il fut collecté est inconnu, mais son origine massim ne fait aucun doute. La spatule de la figure 7 fut acquise à Port Moresby en 1920 et celles des figures 8 et 9 datent probablement aussi de la première moitié du XXe siècle. Cecil Abel,2 l’ancien propriétaire de la spatule de la figure 8, est né en Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1903, y vécut pratiquement jusqu’à sa mort en 1994 et pourrait avoir acquis l’objet lorsqu’il était jeune. La spatule de la figure 9, collectée par Patrick Glass en 1993, a sans doute été sculptée bien avant cette date. Aucune information quant à leur fonction n’est disponible. Papouasie-Nouvelle-Guinée à Port Moresby possèdent peutêtre un dossier concernant le procès évoqué par Swinfield, ce qui pourrait aider à préciser l’identité du sorcier. Mais cela ne change rien au fait que la spatule était utilisée en sorcellerie. Il est évident qu’elle a été utilisée aussi comme spatule à chaux car sa lame présente de légères traces de salive teintée de bétel. En 1989, Beran montra une photo de l’objet aux habitants de la vallée de Buhutu. Trois informateurs reconnurent la figure sculptée. Selon Waiba, un vieillard du village de Siasiada, il y avait eu autrefois un homme doté de pouvoirs magiques si puissants qu’il lui était poussé de longues oreilles et un long museau. Lagesana, un autre informateur de la vallée de Buhutu, avait également connu un homme pourvu de longues oreilles et d’un long museau et raconta qu’à sa mort, celui-ci se changea en une pierre appelée Bulubulu dans le village de Didigana, abandonné il y a quelque temps. Lorsque Beran montra à Lagesana une photo de la spatule de la figure 1, celui-ci s’écria immédiatement : « C’est bien lui ! », mais il ne connaissait pas le nom de l’homme. Un troisième informateur, Jerricho, du village de Savaia sur la côte sud, affirma qu’il avait vu une spatule dotée d’une figure à longues oreilles et long museau lorsqu’il était plus jeune et que les spatules de ce type provenaient de la vallée de Buhutu, où ses grands-parents avaient vécu. D’après lui, ces objets représentent un homme appelé Seinofo, possèdent en principe des morceaux de gingembre attachés autour du cou de la figure et sont en général utilisés en magie. Il raconta l’histoire suivante, entendue de ses grands-parents : une spatule de ce genre, pourvue de gingembre, fut laissée sur une étagère au-dessus de l’âtre dans la maison alors que les hommes étaient partis chasser et que les femmes s’affairaient aux champs, laissant les enfants seuls dans la maison. La sculpture tomba de l’étagère et tua quelques-uns des enfants. Quand les adultes découvrirent ce FIG. 5 : Spatule à chaux utilisée uniquement à des fins de protection. Aire massim, Papouasie-Nouvelle-Guinée. Collectée par Richard Aldridge dans le village de Kalipa, Sideia I. Bois. John and Marcia Friede (Jolika) Collection, New York. Image © John Bigelow Taylor, avec l’aimable autorisation de John Friede. FIG. 6 : Spatule à chaux. Aire massim, Papouasie-Nouvelle- Guinée. Bois. L. : 28,5 cm. Museum of New Zealand Te Papa, FE000755. Donation d’Alexander Turnbull en 1913. Image © Museum of New Zealand Te Papa.


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