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DOSSIER esthétiques tshokwe essentiels qui caractérisent les masques de l’Iowa et du Metropolitan Museum reflètent quelquesuns des choix sculpturaux faits par les artistes angolais, certains optant pour une stylisation accrue des traits du visage, tout en intégrant des touches et des détails naturalistes. D'autres s'orientent dans leur approche vers un naturalisme au sens plus large du terme. Dans certaines régions, et notamment parmi les groupes apparentés tels que les Lwena / Luvale, les Luchazi et les Mbunda, ramener les canons stylistiques tshokwe à leur essence 116 a donné lieu à des formes des plus expressives. Un masque Pwo (ou Pwevo, comme on les nomme en Zambie) Luvale / Lwena du Young Museum à San Francisco (fig. 18) illustre très bien le style du Haut-Zambèze (Félix et Jordán 1998), caractérisé par une force expressive particulière qui l’éloigne des canons esthétiques et du principe de stylisation propre aux Tshokwe. Issu de la même région, à l’extrême est de l’Angola, un autre masque Lwena (fig. 20) est pratiquement identique à celui documenté par Bastin et se trouvant au Dundo Museum en Angola (Bastin 1961 : 386-387, ill. 264) (fig. 19) et à un autre masque illustré par Jose Redinha (1956 : 67, ill. 25). Ce masque présente de légères lignes de contour et un traitement des détails du visage qui oriente le style du Haut-Zambèze vers une forme de naturalisme expressif. Redinha décrit le masque : « Un visage ovale, souple, avec un profil droit bien équilibré. Yeux plissés, petits ; tatouage taillé profondément. » Et « La forme du visage révèle la présence de tendances naturalistes, confirmées tout particulièrement par le modelé de la bouche, garnie de dents aiguisées, dans le style couramment pratiqué dans le Haut- Zambèze. » Il ajoute que les marques de scarification sur le masque appartiennent à un genre considéré comme raffiné par les milieux aristocratiques et les souveraines des centres lwena. Il existe effectivement une relation avec certains masques Pwo et la représentation des femmes-chefs, dans certains cas appuyant l’idée d’un rapprochement avec l’art du portrait en lien avec la beauté et l’élégance féminines.7 Du centre au nord de l’Angola et en R. D. Congo, Pwo entraîne d’innombrables explorations du canon stylistique tshokwe propre aux masques, influencées par les traditions de stylisation hamba, avec une tendance à réaliser des motifs géométriques, mais incorporant également des éléments naturalistes afin de mettre en avant un aspect plus « humain ». Certains sculpteurs de Pwo parviennent à équilibrer ces éléments de façon magistrale, comme l’attestent deux exemplaires issus de collections privées (fig. 6 et 7). Ces masques se distinguent par le traitement précis des traits stylisés « classiques » tshokwe comme les yeux, les oreilles, le nez et la bouche, tout en présentant des lignes de contour très douces et des mentons exacerbés donnant l’impression qu’une structure osseuse se dissimule sous la surface. Au musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren, en Belgique, et dans une collection privée (fig. 21 et 22), il existe deux masques, dûs selon moi au même sculpteur, particulièrement représentatifs du souci de naturalisme pouvant prévaloir dans les Pwo tshokwe. Tous deux partagent des particularités comme les oreilles attachées (et non sculptées comme parties intégrantes des masques) et les détails de scarification en métal incrusté, chose plutôt rare. La spécificité du traitement des paupières inférieures, plus petites que les supérieures, constitue également un trait particulier de ce sculpteur. La courbe des sourcils par rapport à l’arête verticale du nez et le traitement général des contours doux pour les traits du visage m’incitent à penser qu’il s’agit du travail d’un seul artiste. Le traitement des lèvres (curvilignes sur l’exemplaire de Tervuren) varie, mais elles ressortent de la même façon. Je qualifierais les autres variations dans la FIG. 18 : Masque représentatif du style du Haut-Zambèze. Lwena, R. D. Congo. Vers 1930. Bois, écorce, perles, ivoire ou os et peau. H. : 35,6 cm. Fine Arts Museums of San Francisco, 1988.26.r Don du Dr Ralph et de Marilyn Spiegl. PAGE SUIVANTE FIG. 19 : Masque Pwo. Lwena, chefferie Kakenge, région de Lumbala, Angola. XIXe – début XXe siècle. Extrait de Marie-Louise Bastin, Art décoratif tshokwe, Lisbonne : Museu do Dundo, 1961. Collection du Dundo Museum, Angola. FIG. 20 : Masque Pwo. Lwena, Moxico, Angola. XIXe – début XXe siècle. Bois, fibres, cuivre, coton et perles. H. : 21,6 cm. Ex. Coll. Aristide Courtois. Collecté avant 1960. Sotheby’s New York, vente du 17 mai 2002, Lot 36.


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