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98 sien avant 1974, puisqu’il a été présenté lors de l’exposition inaugurale cette année-là. Il figure aujourd’hui à l’entrée des salles dévolues à l’Afrique qui ont, par ailleurs, été rénovées récemment (fig. 6). Toujours dans les pièces atypiques, il convient de mentionner une sculture en pierre kissi de Guinée à l’iconographie déconcertante (fig. 7), tenant un couteau ou une massue dans sa main gauche et un objet impossible à identifier en raison de son aspect érodé dans la main droite. Représentative du bel art kissi – il n’est pas inutile de rappeler que les oeuvres de ce peuple que l’on trouve dans des musées et des collections privées peuvent être d’une qualité sculpturale très inégale – cette pièce présente des détails de styles archétypaux : yeux globuleux, narines évasées, coiffure trilobée et attitude énigmatique.10 Figures commémoratives dues aux Oron du Nigeria oriental, les ekpu sont également rares dans les collections privées ; et pourtant, la collection Hirshberg en comptait un exemplaire (fig. 8). Une récente analyse de cet objet a révélé que sa création pourrait remonter à la fin du XVIIe siècle ou au début du XIXe, période à laquelle fut réalisée une autre figure ekpu du même style.11 L’audace de Hirshberg dans sa manière de collectionner s’impose en comparant le cimier chi-wara dont il a été question précédemment à une puissante figure féminine commémorative bangwa (fig. 9), constituant l’une des dernières oeuvres qu’elle acquit avant sa mort en 1973. Avec ses cornes élégamment courbées vers le haut et vers le bas, la chi-wara se distingue dans son raffinement de la sculpture bangwa. Cette dernière, d’une grande invention formelle, se distingue par sa tête très légèrement inclinée, la bouche MUSÉE à la Une dons majeurs et attirèrent l’attention du public sur la forte abstraction formelle présente jusque dans les objets les plus utilitaires. Ils apportèrent aussi leur fervent soutien à l’engagement de Christa Clarke,6 première conservatrice d’art africain du Neuberger. La plus grande donation d’art africain faite au musée fut cependant celle de Lawrence Gussman en 1999. Éminent collectionneur résidant à Scarsdale, NY, Gussman légua au Neuberger cent cinquante-trois sculptures d’Afrique centrale, 7 doublant pratiquement la taille de la collection, qui compte aujourd’hui plus de trois cents objets. L’intérêt de Gussman pour l’Afrique centrale se développa grâce à sa relation avec le légendaire Dr Albert Schweitzer, qui l’invita en 1957 à travailler dans son hôpital à Lambarané au Gabon. Il retourna ensuite au Gabon chaque année pendant trente ans. Pourtant, à l’instar de Hirshberg, il acheta la plupart de ses objets auprès de marchands aux États-Unis et en Europe. Si la fondation d’une collection muséale traduit la sensibilité des collectionneurs, quelles sont les principales caractéristiques des objets africains les plus remarquables figurant au NMA ? Tout d’abord, la rareté, à la fois de l’exécution formelle et de l’iconographie, dans un domaine où les collectionneurs préfèrent instinctivement ce qui est connu. Ensuite, la focalisation sur des groupes ethniques sur lesquels on sait relativement peu de choses. En effet, des collectionneurs comme Hirshberg et Gussman faisaient preuve d’audace dans leurs choix d’oeuvres. Les raisons à cela demeurent mystérieuses dans le cas de Hirshberg, mais le sont moins concernant Gussman. Selon Christa Clarke, c’est parce que ce dernier « n’avait jamais collectionné d’autres types d’art qu’il n’avait aucune idée préconçue sur l’art africain et qu’il était par conséquent ouvert aux formes que les collectionneurs occidentaux n’achetaient que rarement ».8 Enfin, sans que cela ne soit contradictoire par rapport à ce qui vient d’être dit, la collection du Neuberger compte aussi quelques sculptures africaines emblématiques. Parmi les objets de la collection Hirshberg, on trouve un poteau figuratif tsogho du Gabon central (fig. 4). Ce type d’objet se retrouvait habituellement à l’arrière d’une maison de réunion (ebanza) et pouvait être « planté » dans la terre, ou bien dressé contre un autel temporaire. Bien que cette acquisition semblât inhabituelle pour l’époque, ce poteau pourrait bien – comme le suggère l’éminent spécialiste Louis Perrois – provenir du même atelier à l’origine du poteau féminin tsogho du National Museum of African Art, (fig. 5), un objet acquis par Paul et Ruth Tishman.9 Nous ne savons pas quand Hirshberg et Tishman achetèrent leurs poteaux tsogho, mais peut-on parler de simple coïncidence devant ces deux objets partageant des similitudes de style et un lien familial si proche ? Nous savons que Hirshberg avait acquis le FIG. 6 : Vue de l’entrée du nouvel espace dévolu à la collection d’art africain, avec le poteau tsogho accueillant les visiteurs. Photo : Pauline Shapiro. FIG. 7 : Figure agenouillée. Kissi. Région de Guededou, Guinée. Avant 1550. Stéatite H. : 17,8 cm. Neuberger Museum of Art, Purchase College, State University of New York, inv. 1976.28.05. Don d’Eliot P. Hirshberg issu de la collection d’art africain d’Aimee Hirshberg. Photo : Jose Smith.


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