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96 coeur de l’arbre. Le bois de santal occupe une place importante dans divers contextes sacrés dans les Grassfields du Cameroun, particulièrement à l’occasion d’offrandes sacrificielles, de rites d’initiation variés,24 et lors de l’intronisation d’un nouveau chef.25Au cours du XIXe siècle, l’historien de l’art italien Giovanni Morelli s’efforça de déterminer les éléments qui reflètent précisément l’individualité d’un artiste. La méthode de Morelli suscita un grand intérêt auprès de Sigmund Freud et des spécialistes ultérieurs, et les historiens de l’art en ont tenu compte dans leurs recherches. Le coeur de son analyse réside dans la tendance d’un artiste à répéter des éléments peu pertinents. Elle admet également que certaines formes peuvent être liées à l’artiste lui-même et qu’elles ne sont donc pas issues « d’une école ou d’une tradition ».26 En guise de preuve, Morelli utilisa les formes des mains, des oreilles et des ongles, par exemple. Afin d’identifier d’autres oeuvres de Kwayep, j’ai examiné des détails secondaires de ce type, ainsi que l’aspect sculptural général des oeuvres, et leurs similitudes avec des oeuvres dont on le sait avec certitude être l’auteur. Ainsi, j’ajouterais quatre autres sculptures au corpus des oeuvres que l’on peut attribuer à Kwayep. Selon moi, un autre objet à cariatide – un tabouret soutenu par un homme accroupi, aujourd’hui au Reiss-Engelhorn Museen de Mannheim, en Allemagne – peut, avec un certain degré de certitude, être attribué à Kwayep (fig. 15 et FIG. 15 et 16 : Attribué à Kwayep de Bamana, tabouret pour un notable. Collecté à Bana, Cameroun, 1911 / 1912. Bois avec pyrogravure, H : 41,5 cm. Reiss-Engelhorn-Museen, Mannheim, Allemagne. Photo : Reiss-Engelhorn-Museen. sculpteur fut minutieusement réfléchi et exécuté, là encore avec un naturalisme inhabituel. Le visage, d’une qualité similaire à celle d’un masque, ajoute un autre degré de signification à l’objet, que les Bamiléké auraient certainement interprété comme une référence aux pouvoirs invisibles devenus tangibles. En tant que support pour une calebasse utilisée pour conserver des céréales, la sculpture était clairement destinée à servir d’objet fonctionnel, pourtant elle constituait en même temps un signe important de rang. Lors de cérémonies, le fon (chef, roi) exposait des oeuvres d’art similaires près de son trône. Comme d’autres objets de ce genre, la sculpture de Kwayep était d’abord une oeuvre d’art rituelle – une icône, un symbole, et une représentation abstraite d’un ordre mondial spirituel politique et invisible, au sein duquel les dieux et les ancêtres existent. Symbole de statut et de prestige, elle révélait le rang de son propriétaire et, dans le contexte de la structure hiérarchique de la société bamiléké, on peut la comparer à une pyramide, avec au sommet, le roi. Le contour est décoré au moyen des mêmes types de motifs gravés relevés sur d’autres objets illustrés par Egerton dans son livre et sculptés dans l’atelier de Kwayep.23 Les résidus en surface qui rehaussent encore sa patine indiquent qu’elle fut autrefois frottée avec de la poudre rougeâtre de bois de santal (Baphia nitida). Cet arbre est un feuillu arbustif couramment utilisé pour fabriquer une teinture rouge soluble en milieu alcalin issue de l’écorce et du


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