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92 en cercle, ce qui est considéré dans cette région comme un signe de rang. À ses côtés se dressent ses fils et ses apprentis qui tiennent de longs bâtons surmontés de sculptures figuratives, dont deux sont des quadrupèdes façonnés dans un style abstrait. Bien que légèrement abîmée par le temps, la photo de Christol a un impact visuel fort et livre une image expressive révélatrice d’une époque et d’un lieu lointains, même si les protagonistes ont plus que probablement pris la pose à l’extérieur de la maison du photographe.8 La seconde photo connue de Kwayep est totalement différente (fig. 8). Prise par Egerton lors de la visite de l’artiste à Bangangté en 1936, elle montre Kwayep debout sous un soleil intense, accompagné de deux jeunes, vraisemblablement ses apprentis. Celui de gauche pourrait être le même que le jeune homme figurant à gauche de Kwayep sur la photo de Christol. La tête du sculpteur est légèrement inclinée vers l’avant, et bien que son visage soit partiellement dans l’ombre, on peut distinguer son air sérieux alors qu’il se tient debout, les mains sur les hanches. Le bas de son corps est enveloppé dans un « habit volumineux bleu et beige, mi-jupe, mi-pagne »9 qui était reconnu dans la région comme un signe de rang. Dans ses écrits, Egerton fait clairement la distinction entre les « artisans » et les « artistes » qu’il rencontra. Il mentionne trois autochtones spécialisés dans le travail du bois qui lui rendirent visite à Bangangté. Le premier était charpentier, le second était un sculpteur aux compétences moyennes et le troisième était Kwayep, qu’il distingua des autres. Par une connaissance de son traducteur, Egerton avait acquis deux mortiers sculptés. Le récipient de l’un d’eux était soutenu par les bras d’une figure féminine tandis que l’autre était supporté par deux figures, masculine et féminine. Tous deux provenaient de la chefferie bamiléké de Bazou, située à environ vingt kilomètres au sud-est de Bamana. 10 Egerton raconte : « Ils avaient été très beaux, mais les fourmis étaient passées par là... et le deuxième était tellement abîmé qu’il ne tenait plus debout. Joseph amena le sculpteur de Bamana pour qu’il les examine. » 11 L’Anglais décrivit la manière avec laquelle Kwayep examina avec le plus grand intérêt ces oeuvres d’art créées par un autre sculpteur. « En le voyant scruter et estimer ces oeuvres affectueusement, j’ai su qu’il était plus qu’un simple artisan. Il les observait sous tous les angles, passait ses mains sur leur surface et se comportait, dans l’ensemble, comme un connaisseur ».12 Egerton chargea Kwayep de réaliser une sculpture à cariatide similaire à celles abîmées qu’il possédait déjà. Ni Egerton, ni Kwayep ne furent satisfaits du résultat final, mais le sculpteur créa d’autres objets pour Egerton, sur lesquels nous nous attarderons plus en détail dans les pages qui suivent. DOSSIER


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