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MUSÉE à la Une premier président de la République de Guinée, Ahmed Sékou Touré, dans un souci d’intégration des ethnies. Force est de constater, en effet, que la plupart des traditions coutumières ont disparu à la fin des années 1950 chez les Baga du Nord, et même avant pour ceux du Sud. Construites sur la notion de secret, les croyances baga sont d’autant plus hermétiques pour l’observateur extérieur et, a fortiori, pour l’ethnologue, dont le désir de tout cerner a souvent été à l’origine de nombreuses imprécisions. L’exposition – et encore plus son catalogue – apparaît en ce sens comme un brillant exercice de déconstruction. Plusieurs interprétations compilées dans la littérature spécialisée sont passées au crible, nuancées et complétées grâce à un travail de documentation rigoureux de David Berliner et à plusieurs missions de recherche sur le terrain conduites par ce dernier, dont deux subventionnées par l’Association des Amis du musée Barbier-Mueller de Genève. S’intéressant au passé, l’usage actuel de modèles anciens n’est pas négligé. Ainsi, l’on peut découvrir, amusé, que de nos jours, en pays Bulongic ou Sitem, le masque d’épaule dimba exécute volontiers ses pas de danse lents à l’occasion de mariages, d’un tournoi de football ou pour l’arrivée au village d’un étranger de marque. Quant aux masques banda, caractérisés par une gueule de crocodile aux dents pointues – l’exemplaire du musée Barbier-Mueller fait exception – et une tête humaine terminée par des cornes d’antilopes accueillant, à son tour, une représentation d’une queue de caméléon, on apprend qu’ils apparaissent désormais comme des objets de divertissement, et non plus comme des entités associées à des contextes initiatiques, entre autres, comme certains informateurs le signalaient. Enfin, les nouvelles typologies d’oeuvres issues des changements sociaux précédemment évoqués trouvent également leur place dans cette exposition. Les sibondel (fig. 70 5), avec leur vive polychromie et leur forme de tête de lièvre reliée à une boîte contenant des personnages-clés de la période coloniale – cavalier, tirailleur, chef de canton, etc. – figurent parmi les plus emblématiques. Ce regard attentif sur le présent permet à Découvrez les Baga de pointer un écueil récurrent dans la muséification des objets issus de cultures autres : en offrir une image figée fort éloignée de leur réalité multiforme et dynamique. Voici une exposition à ne pas manquer, dont l’aspect confidentiel – aussi bien par le nombre d’oeuvres que par le mystère les entourant – est le gage d’une expérience aussi intime que bouleversante. FIG. 4 : Masque banda. Baga, Nalu, Landuma ou Susu, Guinée. Bois et pigments. L. : 141 cm. Ex. Coll. André Lhote. Musée Barbier-Mueller, inv. 1001-24. Photo : studio Ferrazzini Bouchet. FIG. 5 (CI-DESSOUS) : Masque sibondel. Baga, Guinée. Bois, pigments et fibres. H. : 78 cm. Musée Barbier-Mueller, inv. 1001-59. Photo : studio Ferrazzini Bouchet.


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