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BAGA Reconnue très tôt dans l’histoire du goût pour les arts d’Afrique – la fascination de Picasso pour les puissants volumes géométriques des masques d’épaules dimba dont l’esprit se ressent dans les têtes en plâtre de Marie-Thérèse réalisées par le maître y a été pour beaucoup –, l’esthétique baga apparaît comme classique. Les créations s’y rapportant trônent, majestueuses, dans les vitrines de grands musées – le masque serpentiforme du groupe voisin nalu du pavillon des Sessions du Louvre en est la preuve – et trouvent volontiers acquéreur lorsqu’elles sont proposées aux enchères. Citons par exemple le masque d’un style similaire à celui dont il vient d’être question, vendu à Paris par Christie’s le 11 décembre 2012 pour la modique somme de 313 000 euros ! En effet, leurs formes séduisent à présent plus qu’elles ne surprennent. Aussi les masques-heaumes, les masques autel, les masques serpentiformes présentés, entre autres pièces, à Genève sont-ils familiers. Et pourtant, ils renvoient à une réalité culturelle paradoxalement fort méconnue ou, du moins, difficile à appréhender dans toute sa complexité. Ceci, ne serait-ce que parce que le terme « baga » se rapporte, en fait, non pas à un seul peuple homogène mais plutôt à sept groupes : les Baga kalum, les Baga koba, les Baga kakisa, les Bulongic, les Pokur, les Baga sitem et les Baga mandori. Établis le long du littoral guinéen, de la presqu’île de Conakry jusqu’au rio Componi, ces populations présentent des spécificités quant à leur langue, leurs institutions, leurs rituels et la culture matérielle s’y rapportant pour ne citer que quelques exemples. Ceci étant, il demeure vrai qu’elles partagent une histoire et certaines caractéristiques communes, que l’on retrouve parfois aussi chez d’autres peuples de la côte : les Nalu et les Landuma. En effet, ces sous-groupes s’adonnent à la riziculture de mangrove et accueillent des sociétés à masques chargées de l’initiation des jeunes garçons, longtemps assimilées à tort par les premiers voyageurs et les chercheurs à une unique société pan-baga connue sous le nom de simo. Ces coutumes, les Baga y tiennent : aussi, comme le souligne David Berliner dans l’ouvrage Mémoires religieuses baga accompagnant l’exposition, les Baga se reconnaissent-ils encore aujourd’hui dans l’image d’adorateurs de fétiches, buveurs de vin de palme et tailleurs de masques et sculptures véhiculée par les chroniqueurs du passé. Cependant, les pratiques culturelles, et notamment religieuses, des différents sous-groupes baga ont subi de profondes transformations au cours du siècle dernier en raison de la progression du christianisme, puis surtout de l’islam, sans oublier le phénomène de « susuisation » – du nom des Susu, population d’origine mandingue désormais majoritaire dans la région –, largement encouragée par le 69


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