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Éditorial Dans notre dernier numéro, Jonathan Fogel, rédacteur en chef pour la version anglaise de cette publication signait pour moi – qu’une maternité éloignait temporairement de ce plaisir – un éditorial où il était question de musées. Motivée par les menaces planant pour des causes économiques sur deux institutions de référence, l’Institut royal des Tropiques d’Amsterdam et le Detroit Institute of Art, sa réflexion se voulait un rappel de la nature et l’évolution de la mission de ces « temples de savoir » voués à l’étude, la conservation et l’exposition de biens culturels. Peu d’institutions méritent autant la faveur du public, croissant qui plus est – les indices de fréquentation des grands musées sont là pour le prouver. Mais ce prestige, il faut le mériter. Il ne s’agit pas uniquement de séduire et de fidéliser les visiteurs avec une kyrielle d’activités ou l’entrée libre certains jours du calendrier. Il est important de leur proposer une réflexion, de susciter des découvertes, d’instruire et – surtout ! – d’émouvoir. Cette attitude dynamique et engagée caractérise sans conteste les musées d’art extraeuropéens – ou les départements spécialisés en la matière de musées universels – et le numéro dont vous, lecteurs, vous apprêtez à tourner les pages en est un fervent éloge. Les explications à cela sont multiples. La plus évidente est qu’il s’agit d’un domaine patrimonial dont le regard porté sur lui a beaucoup évolué – de la curiosité pour l’exotisme à la contemplation esthétique, en passant par l’intérêt ethnographique –, suscitant des transformations dans ses stratégies de présentation, parfois si profondes qu’elles ont pu se traduire par la rénovation d’une section, la création d’un nouvel espace et, même, un changement de nom de l’institution. Deux exemples en sont livrés dans ces pages. Le premier est la galerie du Pacifique du Bishop Museum à Hawaï, dont le réaménagement fait l’objet d’un article rappelant également l’histoire singulière de cette institution centenaire détenant l’un des fonds d’objets d’art du Pacifique – mais aussi de spécimens naturels et de photographies – les plus riches au monde. Le deuxième cas de figure est traité dans notre portfolio. Cette réflexion approfondie, que l'on doit à un anthropologuee et docteur en philosophie, Hasan López Sanz de son nom, retrace en images l’historique des accrochages réalisés dans un espace atypique, la Boîte des arts graphiques du musée du quai Branly, à partir des collections de l’institution ; le texte se penche également sur les problématiques liées à la présentation d’oeuvres photographiques dont, par ailleurs, le statut a fait l’objet de débats à l’instar des objets d’art tribal. L’immensité du domaine – aussi bien d’un point de vue géographique que temporel, culturel et typologique– offre également aux musées d’innombrables occasions de proposer des découvertes. Quand bien même les expositions temporaires demeurent certainement comme l’outil privilégié pour faire connaître un patrimoine inédit ou sur lequel on souhaite apporter un éclairage nouveau. C’est cette stratégie qu’a employé le musée Barbier-Mueller de Genève pour mettre en lumière ses collections d’art des Baga de Guinée sur lesquelles nous nous attardons plus loin ; mais ce n’est pas la seule. L’exploration des réserves muséales est tout aussi efficace. Exercice certes plus confidentiel – du moins dans un premier temps ! –, il permet d’exhumer parfois de véritables chefsd’oeuvres. La preuve en est le dossier signé par Julien Volper portant sur un ensemble de cuillères du nord-est congolais conservées dans les tiroirs des réserves d’un musée prochainement en chantier : le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren. Enfin – et cette dernière raison n'est pas la moindre –, la vitalité des musées d’art extra-européen doit beaucoup à des particuliers, amateurs ou collectionneurs, qui, par le biais de donations ou d’apports pécuniaires, contribuent au renforcement des collections de nombreuses institutions. C’est ainsi que par exemple, le Museum of Fine Arts de Boston reçut en 2012 la collection Robert Owen Lehman d’art du royaume de Bénin dont Christraud M. Geary nous livre des détails passionnants liant beaucoup de ces pièces à un autre collectionneur renommé : le géneral Pitt-Rivers. C’est également grâce à la générosité de particuliers que le musée du quai Branly et le LACMA ont accueilli récemment dans leurs fonds deux pièces phares provenant, curieusement, de la même région. Longue vie à nos musées... Elena Martínez-Jacquet Notre couverture illustre une proue de pirogue tauihu, probablement sculptée à Waitara par le chef maori Tamati Raru. Aotearoa (Nouvelle-Zélande). Bishop Museum, Eric Craig Collection, 1889. Photo : David Franzen.


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