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134 Avec l’aimable autorisation de Michael Auliso/Tribalmania. Avec l’aimable autorisation de Michael Hamson. HOMMAGE Murray Frum La photo de Murray Bernard Frum (3 septembre 1931 - 27 mai 2013), dans sa splendide maison de Toronto, entouré de magnifiques oeuvres d’art issues des quatre continents, reflète à merveille sa passion pour la collection. Tout a commencé lors d’un voyage à New York entrepris dans les années 1950 après son mariage, alors qu’il était très jeune, avec sa première femme, Barbara Rosberg. Le bois et le continent africain devinrent deux de ses passions les plus dévorantes. Et ce depuis ses débuts car sa première acquisition était en bois et provenait d’Afrique. Il s’agissait d’un double d’une figure debout du Moyen Empire égyptien vendue par le magasin de souvenirs du Metropolitan Museum of Art. Murray et Barbara devinrent rapidement de fervents collectionneurs et fréquentèrent assidûment toutes les ventes aux enchères et galeries d’art tribal majeures à Londres et à Paris. Après le décès prématuré de Barbara Frum en 1992, Murray épousa Nancy Lockhart en 1994 et ensemble ils continuèrent sa collection africaine et océanienne – ce « projet en cours », comme il aimait l’appeler – en y intégrant de l’art asiatique, du mobilier Art déco, des sculptures médiévales et Renaissance. Comme collectionneur, Murray faisait à la fois preuve de stratégie et d’innovation. Au fil du temps, il constitua la plus remarquable collection privée d’art du Grassland camerounais à une époque où ces styles étaient totalement négligés par les collectionneurs traditionnels qui s’attardaient davantage sur la dimension « classique » de l’art africain. Toutes ses acquisitions étaient guidées par l’expertise et l’ambition intellectuelle, et cette approche le rendait unique. Les deux catalogues d’exposition de sa collection africaine furent révolutionnaires à l’époque. Pour le premier ouvrage, Vingt-cinq sculptures africaines, édité par Jacqueline Fry en 1978 pour la National Gallery of Canada à Ottawa, il demanda à treize éminents spécialistes de l’art africain d’écrire chacun un court essai sur un objet spécifique, s’écartant ainsi des essais plus « généralistes » qui constituaient la norme à l’époque. Il parvint à convaincre William Fagg, selon moi le meilleur auteur de sa génération en matière d’art africain, de rédiger le contenu incroyablement riche de son second catalogue African Majesty from Grassland and Forest pour l’exposition de l’Art Gallery of Ontario (AGO) en 1981. Généreux, il adorait partager son art avec le grand public et le don de quatre-vingt-sept de ses plus beaux objets africains à l’AGO en 2001 en est l’illustration parfaite. La galerie Frum devint, à cette occasion, le seul musée au monde – hormis le Musée ethnologique de Berlin – où l’on pouvait admirer quatre importantes statues grandeur nature issues des royaumes du Grassland camerounais. Murray était également un homme généreux, apprenant vite et auteur de mots d’esprit hilarants. Il était toujours très exigeant et possédait un sens aigu des propriétés tactiles de la sculpture tribale. Il faisait également preuve de beaucoup d’humour, une qualité soulignée par son fils David lors de son éloge funèbre : « Quand une oeuvre d’art ne lui plaisait pas, Murray disait d’un ton cinglant : "On dirait que cet objet est l’oeuvre de ce célèbre maître italien, Garbaggio1 !" » Par Bernard de Grunne 1 NdT: jeux de mots entre le nom du maître italien Caravage et le mot anglais « garbage » désignant une poubelle.


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