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FIG. 9 : Michel Lequesne dans son cabinet de consultation. Photo : Alex Arthur. FIG. 10 : Masque. Senufo, sud du Mali. Bois. H. : 50 cm. Photo : Alex Arthur. FIG. 11 : Sculpture d’oiseau. Sakalava, Madagascar. Bois. H. : 72 cm. Photo : Alex Arthur. certains cas. Et puis nous nous faisons des cadeaux… Des pièces que nous avons généralement vues ensemble et que, pour une raison ou une autre, nous n’avons pas pu acquérir sur-le-champ. Tenez, par exemple, cette merveilleuse serrure senufo (fig. 5): elle m’avait séduite lorsque je l’ai découverte dans la galerie d’Alain Bovis. Je ne me suis pas décidée tout de suite et, lorsque j’y suis retournée le lendemain, Alain m’a accueillie avec un sourire malin : « Il faut faire plus vite madame Lequesne ! » Celui qui avait été plus rapide n’était autre que Michel, projetant un cadeau-surprise. M. L. : Et parfois on se dispute pour savoir qui achètera une pièce ! Car les oeuvres que vous voyez appartiennent soit à l’un soit à l’autre. Nous tenons à ce qu’il en soit ainsi. T. A. M. : Quelle serait l’acquisition qui vous a apporté le plus de satisfaction? Certaines pièces vous ont-elles au contraire fait souffrir ? M. L. : Je suis particulièrement satisfait d’avoir ici cette pagaie des îles Salomon (fig. 6) ; j’apprécie énormément l’esthétique de cette région. Longtemps j’ai surtout collectionné des objets d’Afrique. Plus récemment, j’ai fait de belles conquêtes océaniennes. Mais Je reste heureux de vivre avec certaines oeuvres achetées auparavant : la figure bamana d’Harter, ce masque senufo (fig. 10) très audacieux et très moderne dans sa construction, et cet oiseau sakalava (fig. 11), qui ressemble à une sculpture de Brancusi ! Ces oeuvres m’ont fasciné sur le moment et elles résistent à l’épreuve du temps ; test essentiel car, comme pour un mariage, on se demande toujours si cela va être durable ! Puis je suis fier aussi de cette petite figure gardienne de reliquaire mahongwe (fig. 7)… Généralement je ne cherche pas une oeuvre précise ; j’achète l’objet que j’ai vu et qui m’a séduit. Mais là il s’agit d’une exception : j’avais envie depuis très longtemps de posséder un Mahongwe et j’ai fini par en trouver un chez Ana et Antonio Casanovas. Et pas n’importe lequel ! Il figure parmi la vingtaine de pièces de ce genre que Jacques Kerchache trouva au Gabon en 1967 au fond d’un puits où les missionnaires avaient coutume d’enfouir les objets païens, à moins que ce ne fût là précisément une cachette choisie par la tribu pour dissimuler et conserver ses objets sacrés. T. A. M. : À l’inverse, avez-vous connu de grandes déceptions ? M. L. : Par bonheur, rarement. Quelques objets ont, au fil du temps, perdu un peu de leur attrait. L’amateur, surtout dans ses débuts, n’évalue pas toujours bien la longévité promise à l’oeil. C’est un diagnostic difficile, indépendant du coût de l’objet – j’ai fait des achats modestes d’oeuvres qui me plaisaient et dont ma rétine se réjouit toujours. Tant pis pour les premières erreurs. Pas de regrets et c’est mieux ainsi ! T. A. M. : Vous vivez avec votre collection. Quel rapport entretenez-vous avec vos objets ? M. L. : Lorsque nous sommes très occupés, je dois avouer que nous n’avons presque pas le temps de les regarder. Il faut être disponible pour apprécier ces oeuvres. Avec le calme et le loisir, la réceptivité augmente. N. L. : Nous redécouvrons ainsi régulièrement nos objets. Quand nous rentrons de vacances, par exemple : nous allumons la lumière et nous regardons une à une beaucoup de pièces. C’est un vrai moment de bonheur, c’est à nouveau « faire connaissance »… M. L. : Tout à fait… Mais j’ai aussi un projet auquel je tiens et que je compte mener à bien sous peu. J’aimerais dégager un mur et y installer une sorte de niche dans laquelle nous pourrions, ma femme et moi, « déménager » une oeuvre pour l’admirer sous un jour nouveau, délivrée de tout voisinage pendant un certain temps. N. L. : Un musée éphémère… !


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