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HISTOIRE d’objet fondée par Benjamin Franklin. La bibliothèque de l’Académie possède un index répertoriant la majorité de ses documents et publications depuis les années 1850. J’ai examiné un certain nombre de références, ainsi que les notes de réunions 118 de la Société couvrant les dix années de présence de Gabb dans les Caraïbes. Cela n’avait que peu d’intérêt. C’est alors que j’ai trouvé le rapport final de Gabb présenté à l’Académie, publié en 1878 à titre posthume et intitulé Description d’une collection de fossiles, constituée par le Docteur Antonio Raimondi au Pérou.7 Comme la plupart des naturalistes, Gabb était un excellent dessinateur. Ses dessins des fossiles de Raimondi sont précis, même selon les critères actuels. Néanmoins, l’aspect le plus important concerne son lien avec Raimondi, le naturaliste le plus renommé au Pérou au cours des dernières années du XIXe siècle. Cet élément marqua un tournant décisif dans mon projet, car il reliait Gabb à un collectionneur scientifique au Pérou, centre de la culture moche et lieu d’origine du bâton Iguane. La suite de cet article est le résultat de toutes ces découvertes. William More Gabb est né à Philadelphie en 1839 et fut élevé par sa mère, qui était veuve. Il développa un intérêt précoce pour les sciences, en particulier pour l’histoire naturelle, la conchyliologie et la géologie, et étudia plus tard la paléontologie, la chimie et l’arachnologie. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, il devint l’assistant du géologue le plus en vue de l’époque, James Hall, au New York State Museum à Albany. Il rejoignit ensuite un groupe de jeunes scientifiques à la Smithsonian, peut-être à l’instigation du secrétaire Baird. En 1861, à l’âge de vingt-deux ans, Gabb avait déjà acquis un statut et publié suffisamment d’articles pour être engagé comme paléontologue au California Geological Survey. Il voyagea vers l’ouest, où il cartographia la Californie et l’Oregon jusqu’en 1868. Il est évident que Gabb était avide d’aventures et qu’il se voyait jouer un rôle de pionnier. Bien que décrit comme un homme aimable et calme, on le retrouve pourtant en 1861 dans le Far West, à cheval au beau milieu d’Indiens hostiles, explorant des montagnes et vallées inconnues dans des États relativement nouveaux.8 On ne comprend pas très bien comment Gabb est parvenu à faire son chemin parmi les naturalistes qui, à l’époque, provenaient généralement de familles aisées disposant de leurs propres moyens. Gabb, lui, grandit dans une relative pauvreté – sa mère travaillait comme modiste dans une petite boutique – et durant la majeure partie de sa vie d’adulte, son éditeur fut un dénommé M. B. Westermann de New York, qui garda également une trace de ses modestes avoirs. À d’autres égards, le profil du naturaliste de l’époque lui convenait à merveille. La fin du XIXe siècle était une période intense de découvertes scientifiques, au cours de laquelle les na- FIG. 9 (image de fond) : Dessins de Gabb des fossiles de Raimondi. Extrait de William M. Gabb, “Description of a Collection of Fossils made by Doctor Antonio Raimondi in Peru“. Journal of the Academy of Natural Sciences of Philadelphia, 1878, 2e série, 8 : 263–336 : pls. 40 et 42. FIG. 10 : Portrait de William More Gabb, 1868. Inscription au dos : “á Sr. Dr. Antonio Raimondi con compliments sic de W. M. Gabb.” Photo : Henry Ulke, 278 Pennsylvania Avenue, Washington, D.C. FIG. 11 : Idole zemi. Taïno, Caraïbes. Bois. H. : 73,7 cm. Ex. Coll. M. Firth, Turks Island ; William M. Gabb, Philadelphie. National Museum of Natural History, Smithsonian Institution, inv# 005890/A42663-0. Avec l’aimable autorisation de la Smithsonian Institution. turalistes s’échangeaient les trésors qu’ils découvraient, entretenaient une abondante correspondance, et étaient passés maîtres dans l’art du dessin à main levée. Ils publiaient énormément et, surtout, partageaient le même désir insatiable de découvrir le monde qui les entourait. Gabb quitta son poste au California Geological Survey en 1869 afin de se rendre à Saint-Domingue, où le gouvernement souhaitait évaluer ses ressources géologiques, dans l’espoir de trouver des gisements de minerai qui lui permettraient de rembourser la dette publique. Le séjour de trois ans de Gabb à Saint-Domingue (1869-1872) donna lieu à une importante monographie consacrée à la topologie et la géologie de la République dominicaine, et à une carte de reconnaissance qui, conjuguée aux inspections menées à Haïti, constituait le premier relevé précis de l’île Hispaniola. Il s’agissait là d’un véritable exploit. Un autre voyageur de l’époque, Albert Warren Kelsey, se rendit en République dominicaine en 1867 et rapporta que le pays ne disposait pas de routes dignes de ce nom – les gens se déplaçaient à dos de taureau ou de chameau ou faisaient le tour de l’île en bateau pour se rendre d’un endroit à un autre.9 À la suite de sa réussite aux Caraïbes, Gabb fut engagé en 1873 par le gouvernement costaricien afin de mener une inspection topographique et ethnographique du pays, en particulier dans la province de Talamanca, région méconnue du sud du Costa Rica. Il revint aux États-Unis au printemps 1876 et fut admis à l’Académie nationale des sciences. Peu de temps après, il repartit en République dominicaine dans le but de développer une prometteuse concession de mines d’or. Sa correspondance révèle que Gabb passait son temps libre à répertorier les araignées tropicales dans son jardin et s’attelait à collectionner des artefacts taïnos trouvés dans des grottes et parfois achetés. Ces objets forment les deux groupes qu’il fit parvenir à la Smithsonian en 1877. C’est également en 1877 que Gabb fit l’inventaire de l’ensemble de la collection de fossiles pour Antonio Raimondi. Fondateur de la paléontologie au Pérou, ce dernier était un véritable naturaliste de l’époque : ces centres d’intérêt étaient extrêmement variés et dépassaient le cadre de ses activités professionnelles. La stèle Raimondi provenant du site de Chavín de Huántar dans le nord du Pérou fut nommée en son honneur, et il explora les vestiges moche dans la province de La Libertad, au nord du pays. En moins de vingt ans, Raimondi effectua dix-sept voyages à cheval autour du Pérou et dans le bassin amazonien, récoltant artefacts anciens, costumes indigènes, fossiles et minéraux. Avant sa mort en 1880, il fonda l’Asociación Educacional Antonio Raimondi (à présent le musée Raimondi) à Lima, où sa collection de fossiles est exposée. Le musée, contacté par téléphone, nous a révélé qu’il ne possédait pas de lettres de


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