Page 116

CoverT70 FR corr_Layout 1

ART in situ 114 FIG. 12 (IMAGE DE FOND) : Détail de la superstructure d’une mayasa trouvée à Hendeya en 1992. H. : 106 cm. Bois. Ex. coll. Volker Schneider. Collection privée. Photo : Alain Herzog. FIG. 13 : Détail d’une mayasa placée sur une tombe, Hendaya. Photo : Johan Schoorl, 1981. et Zoetmulder 1965). On croit en deux sortes d’âmes : « l’âme de la vie » et « l’ âme de la mort ». La première est associée à la vie et circule – elle naît de Dieu et retourne à Dieu après la mort, pour ensuite revenir sous la forme d’un autre être humain. La seconde, « l’âme de la mort », peut parfois se diviser en deux parties. Après la mort, elle s’élève sur le bateau spirituel du monde du milieu (là où les gens vivent) vers le monde d’en haut (les cieux) où elle se transforme en un esprit ancestral (Schwartzberg 1994). Les ancêtres sont vénérés dans de petites maisons spécifiques édifiées à côté des habitations sur pilotis ou des tombes (Elbert 1911, voir la fig. 98). Des croyances relatives à la réincarnation sont également mentionnées par Schoorl (1985). À Hendeya, selon la tradition, il existe deux sortes d’esprits ancestraux : les esprits appelés arwah kasar, qui demeurent attachés à l’enveloppe corporelle du défunt dans la tombe et les esprits arwah halus qui, au contraire, s’élèvent vers les cieux et reviennent après quelque temps dans un autre corps. La cosmologie associée aux trois mondes (monde d’en bas, monde du milieu et monde d’en haut) est également symbolisée dans la structure des maisons sur pilotis par (dans cet ordre) la sous-structure, la structure principale (au-dessus du plancher surélevé) et la superstructure (le toit), d’après la description de Sato (1991). Ceci permet de mieux comprendre la conception et la fonction des sculptures mayasa. Tout d’abord, le concept des deux âmes, « l’âme de la vie » et « l’âme de la mort » ou les esprits arwah kasar et arwah halus, pourrait expliquer la présence de deux mayasa sur une tombe. De plus, la structure de la mayasa semble correspondre à la cosmologie tridimensionnelle : le monde d’en bas (la partie inférieure du poteau fixé à la tombe jusqu’à la sous-structure de l’habitation sur pilotis), le monde du milieu (la partie du milieu de la demeure sur pilotis habitée), et le monde d’en haut (le toit de l’habitation sur pilotis et la superstructure en forme de tête). Le bateau surmontant l’autre type de mayasa pourrait ne pas être lié à la profession du défunt (comme l’a affirmé Elbert), mais représenter un bateau spirituel qui guide « l’âme de la mort » ou arwah halus vers le monde d’en haut. De manière plus spécifique, en ce qui concerne les mayasa d’une même tombe, l’une décorée et structurée en trois parties et l’autre plus petite et dépourvue de structure et de décoration, il semble que la première, placée au sommet de la tombe, soit habitée par l’âme, qui s’élève vers le monde d’en haut, tandis que l’âme qui reste liée à la sépulture demeure dans le plus petit poteau, au pied de la tombe. Pour conclure, les sculptures mayasa de l’île de Buton peuvent être considérées comme des représentations des croyances animistes de la population locale laporo. L’intégration parfaite de nombreux aspects de la cosmologie complexe laporo dans la conception et l’expression d’une seule et même sculpture est tout à fait remarquable. La fusion des deux représentations de la cosmologie tridimensionnelle, symbolisées au niveau de la structure globale du poteau et de l’habitation sur pilotis, est sans conteste unique et extraordinaire. Ainsi, les mayasa ne constituent pas simplement des poteaux ornés de sculptures sur leurs quatre faces, mais des représentations spatiales de demeures sur pilotis habitées. En outre, l’édification formelle en trois parties qui en découle rapproche les sculptures mayasa des statues anthropomorphes – évoquant la tête, le corps et les jambes – qui se distinguent par leurs qualités esthétiques et artistiques. L’on ne peut que regretter profondément que cette culture et cette tradition aient désormais disparu. L’auteur remercie le Dr Volker Schneider et le Pr Johan W. Schoorl. BIBLIOGRAPHIE Cipolletti, Maria Susana (1989). « Île de Buton - Ein Haus für den Toten » dans Langsamer Abschied - Tod und Jenseits im Kulturvergleich. Museum für Völkerkunde, Frankfurt am Main, Band 17: 34-45. Elbert, Johannes (1911). « http://www.zvab.com/displayBookDetails. do?itemId=119557554&b=1 » Die Sunda-Expedition des Vereins für Geographie und Statistik zu Frankfurt am Main. Fest-Schrift zur Feier des 75jährigen Bestehens des Vereins. Band 1, Verlag Hermann Minjon, Frankfurt am Main, p. 175-232, Tafel XX-XXIII, Carte no 3. Gortzak, Henk Jan, et al. (1987). Budaya-Indonesia, kunst en cultuur in Indonesië. Tropenmuseum, catalogue d’exposition, Amsterdam. Haryati, Soebadio (1993). Art of Indonesia. Vendome Press, New York. Juynboll, Hendrik Herman (1925). Süd-Celebes (Schluss), Südostund Ost-Celebes und Mittel-Celebes (Erster Teil). Catalogue du Ethnographischen Reichsmuseums Leiden. Buchhandlung und Druckerei, vormals E. J. Brill, Band XVIII, vol. 2. Schoorl, Johan W (1985). « Belief in reincarnation on Buton, S.E. Sulawesi, Indonesia », dans Bijdragen tot de Taal-, Land- en Volkenkunde. Publié par KITLV, Royal Netherlands Institute of Southeast Asian and Caribbean Studies, Leiden, Deel 141/1: 103- 134. Sato, Koji (1991). To Dwell in The Granary: The Origin of The Piledwellings in The Pacific (Menghuni Lumbung: Beberapa Pertimbangan mengenai Asal - Usul Konstruksi Rumah Panggung di Kepulauan Pasifik). Antropologi Indonesia, University of Indonesia, no 49 : 31- 47. Schwartzberg, Joseph E. (1994). « Cosmography in Southeast Asia ». Cartography in the Traditional East and Southeast Asian Societies, édité par Harley J.B. et Woodward D. University of Chicago Press, p. 701-740. Stöhr, Waldemar; Zoetmulder, Piet (1965). Die Religionen Indonesiens. W. Kohlhammer Verlag, Stuttgart.


CoverT70 FR corr_Layout 1
To see the actual publication please follow the link above