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découvert les sculptures mayasa ornées de bateaux. Mais, d’après les informateurs locaux, la forêt abritant les tombes avait été brûlée dans les années 1970 et les mayasa sur les tombes avaient subi le même sort. Schneider trouva également le village de Hendeya et quelques sépultures ayant subsisté dans les forêts avoisinantes. Il put sauver des flammes – habituelles dans cette région où la culture sur brûlis était de mise – la dernière mayasa pour le musée de Dresde. Selon Schneider, mayasa signifie « poteau de tombe » ou « pierre tombale » dans la langue des Laporo, la population locale, et les mayasa ornées de bateaux étaient appelées mayasa banka. Aujourd’hui, d’autres sculptures figurent dans les collections de l’Institut royal des tropiques d’Amsterdam (Gortzak et al. 1987), de la Haus der Völker à Schwaz (Autriche) et du Musée national d’Indonésie, à Jakarta (Haryati 1993). Toutes les informations dont on dispose proviennent d’Elbert, Schoorl et Schneider, bien que ce dernier n’ait publié aucun ouvrage. Chaque tombe était munie de deux sculptures mayasa, placées au sommet et au pied de la sépulture. Généralement, les deux poteaux étaient semblables en termes de structure, de taille et de niveau de détail. Néanmoins, le poteau placé au pied de la tombe était souvent plus petit et dénué de décorations, à l’exception de quelques entailles. Dans les villages situés plus au sud (Kombeli, Limbo, Wakahau, Kampong Boegi), les mayasa ornées destinées aux hommes différaient de ceux des femmes, dont les sculptures semblaient plus « organiques » et étaient dépourvues de bateau ou de superstructure en forme de tête. Pour les hommes, des bateaux couronnaient le sommet. Ornés de marins, ils représentaient les matelots de Buton et disposaient de plusieurs ponts à l’arrière. Selon Elbert, le bateau indique que le défunt était un marin. Dans les villages situés plus au nord (Hendeya, Kongkeongkea), le bateau était remplacé par une superstructure à plusieurs registres en forme de tête qui conférait ainsi au poteau un aspect anthropomorphe. À ces latitudes, les mayasa dédiées aux hommes et aux femmes sont très semblables. Le « corps » des poteaux renvoie à une construction sur pilotis munie d’une échelle pour accéder au plancher surélevé. Les solives de ce plancher sont renforcées aux angles par des éléments disposés en diagonale, comme c’est le cas pour les structures en bois. Un renfort d’angle similaire est visible au milieu des superstructures en forme de tête, qui pourraient dès lors être considérées comme des habitations stylisées. La demeure sur pilotis (du « corps ») est habitée par des esprits (les âmes des défunts) et des animaux qui leur servent de montures lors de leur voyage vers les cieux. Tous sont sculptés en bas-relief – les esprits sont représentés grimpant à l’échelle ou dans des cavités murales et à l’entrée. Les pilotis sont toutefois détachés du coeur du poteau et permettent une vue diagonale à travers ce registre. Les côtés latéraux opposés sont sculptés à l’identique, montrant tantôt l’échelle et l’entrée, tantôt un animal sous la maison (un cheval d’après Schneider). En dessous, un gong ou mbololo – frappé lorsque les esprits pénètrent les cieux, ou batula – est sculpté sur les quatre faces du poteau. Les esprits doivent être vêtus de blanc, la tenue du défunt, s’ils s’approchent de Dieu (kawasana ompu). Ceci pourrait expliquer la peinture blanche des mayasa trouvées à Hendeya. Sur quelques exemplaires conservés dans les musées (Amsterdam, Leiden, Jakarta), des parties du relief sont colorées en noir. Ces objets, apparemment neufs, n’ont probablement jamais garni de tombes, bien qu’ils aient été acquis entre 1902 et 1931. La superstructure en forme de tête de certaines de ces pièces (à Amsterdam et Jakarta) est composée de quatre petites maisons disposées sur une plateforme à plusieurs niveaux. Les mayasa de ce type n’apparaissent jamais sur les clichés de terrain et n’ont pas été vues sur des tombes par Schneider et Schoorl, aussi semblent-ils avoir été sculptés pour être directement exposés dans des musées. Ce résumé des informations recueillies par Elbert (1911) et Schoorl (1985) fait, venons en à ce qui a échappé à leurs analyses : la cosmologie et les croyances de la population. La région où les mayasa furent découvertes est peuplée par les Laporo, un sous-groupe du peuple Cia-Cia. Vers le XVe siècle, des immigrés provenant de Johore, en Malaisie, établirent le royaume de Buton. Au XVIe siècle, la conversion à l’islam débuta et entraîna la formation d’un sultanat qui demeura indépendant jusqu’en 1960, date à laquelle la république d’Indonésie vit le jour. Actuellement, les Cia-Cia sont musulmans, mais la croyance en plusieurs êtres surnaturels et ancêtres est attestée dans les villages. Les fondements de la cosmologie et des croyances animistes sont plus ou moins identiques parmi les peuples d’Indonésie (Stöhr MAYASA FIG. 10 ET 11 : Mayasa collectée à Hendeya en 1992. La vue de détail montre une maison sur pilotis comportant un escalier et une entrée et ornée de représentations d’esprits. Un gong sculpté figure dessous. H. : 113 cm. Bois et traces de pigments blancs. Photo : Alain Herzog.


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