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DOSSIER 98 FIG. 19 : Attribuée à Kwayep de Bamana, figure à récipient perlé. Royaume de Baham, Cameroun. Bois, perles de verre, fibre. Collectée par Philippe Guimiot. Collection Laura et James J. Ross. Photo : John Bigelow Taylor. exécutés par Kwayep dont il a été question plus haut tandis que d’autres détails se rapprochent plutôt de la figure du « garçon à la puce-chique » accroupi évoqué ci-après. Cet exemple possède de grandes oreilles pointues. Son attribution précise à Kwayep ou à l’atelier de Bawok qui l’influença reste encore à déterminer. Kwayep faisait très probablement des allers-retours entre formes ouvertes et fermées. Il travaillait conformément aux limites et critères imposés par l’atelier de Bawok, mais cela ne l’empêchait pas d’expérimenter et de développer son propre style. D’une part, le travail de Kwayep était ancré dans une tradition d’atelier plus ancienne qui lui donnait accès à certaines techniques, certains outils et savoir-faire, tout en imposant le respect de certaines règles relatives aux détails iconographiques qui exprimaient la vision du monde locale quant au traitement du sujet. D’autre part, sa créativité, son talent et son imagination artistiques lui permirent vraisemblablement d’évoluer parmi les façons d’imaginer un objet, qu’elles soient individuelles ou sociales. À en juger par le style – et dans deux cas, par les informations relatives à la fabrication et la date de collection –, je suppose que la figure de maternité, le tabouret à cariatide assise et la figure représentant un homme debout furent créés plus tôt, aux alentours de 1910, tandis que le support pour calebasse à cariatide agenouillée et la figure perlée portant un récipient sont issus d’une phase plus mûre de la carrière du sculpteur, peut-être au début ou au milieu des années 1930. Lorsque Kwayep rendit visite à Egerton, celui-ci lui commanda immédiatement des oeuvres, notamment une sculpture ayant le même aspect que les mortiers de Bazou qu’il avait déjà acquis.28 Kwayep accepta les commandes d’Egerton et réalisa plus tard une figure à cariatide représentant une femme dévêtue agenouillée (fig. 16). Cet objet partage quelques points communs avec le support pour calebasse de Stanford, comme les mains et le haut des bras puissants et le large bord du récipient, décoré avec le même genre de motif. Cependant, le corps de la figure est peint dans une couleur plus claire, certains endroits étant soulignés à l’aide d’un ton plus sombre. Cet élément pose question : s’agit-il d’une plaisanterie de Kwayep ou a-t-il supposé que l’étranger qui lui avait commandé cet objet préfèrerait une couleur claire plutôt que foncée ? La figure illustre un sujet local traditionnel – une femme tenant un récipient concave, destinée à accueillir une calebasse dans ses bras tendus vers le haut –, mais la couleur est altérée. Est-ce la représentation d’une Européenne ? Cette figure a les jambes pliées, une caractéristique utile pour imaginer à quoi ressemblait autrefois la partie inférieure de l’exemplaire de Stanford, puisque ce dernier a visiblement perdu ses jambes. Mais la comparaison s’arrête là. En effet, l’objet réalisé par Kwayep pour Egerton est beaucoup moins raffiné que celui de Stanford. Nous n’en connaissons pas les raisons exactes. Il s’agissait peut-être du « premier jet » de Kwayep alors qu’il tentait d’imiter l’oeuvre de Bazou mentionnée plus haut. Il était peut-être plus délicat de travailler pour un client étranger, alors que les oeuvres créées pour un commanditaire local ou à des fins rituelles étaient plus abouties. Enfin, il est fort possible qu’un autre sculpteur travaillant dans l’atelier de Kwayep ait réalisé une partie, voire l’intégralité de cette oeuvre, ce qui expliquerait sans doute les nettes différences visuelles. La réelle provenance de ce support pour calebasse représentant une femme à la peau claire est inconnue, mais son


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