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DOSSIER 126 Par Jonathan Fogel et Bernard Sellato On a longtemps pensé que le tressage évoluait dans un monde bien à lui. Son émergence au cours de l’histoire mondiale comme l’un des plus anciens artisanats non lithiques – seuls le cordage et le maillage l’ont probablement précédé (Adovasio, 1977) – remonte à plus de dix mille ans, à une époque où des peuples ont commencé à se sédentariser et à cultiver la terre (Sentance, 2001). Pendant des millénaires, le « plus modeste des artisanats » a servi à créer des objets fonctionnels présents à tous les niveaux de la vie quotidienne. Malgré son ancienneté et son importance, les spécialistes occidentaux n’ont, en général, accordé que peu d’attention à cet artisanat ancien – et aux exemplaires d’Asie du Sud-Est en particulier. Les journaux d’expédition du capitaine James Cook mentionnent des paniers « aux milliers de motifs différents » utilisés « à des fins très variées », mais pas un seul exemplaire ne fut collectionné, comme l’indique Bryan Sentance. D’après Sentance (2001), ce phénomène pourrait s’expliquer par le fait que la fabrication de paniers était considérée comme un travail réservé aux femmes. Bien que la littérature consacrée aux arts et artisanats d’Indonésie existe depuis près de deux cents ans, une grande partie des écrits, pour une raison quelconque, évoquent à peine le tressage et la vannerie, et lorsque ce n’est pas le cas ils sont souvent mentionnés incidemment, comme dans les catalogues de nombreuses expositions majeures européennes sur la culture indonésienne. Selon nous, cette situation est fortement liée à la nature périssable des matériaux utilisés, ainsi qu’au statut de la vannerie dans la perception occidentale, où elle est considérée comme un « artisanat » et non un « art ». Bornéo abrite sans doute les traditions de tressage les plus riches, variées, sophistiquées et séduisantes au monde. Cellesci découlent de l’histoire culturelle complexe de l’île, mais aussi de la créativité et de l’ingéniosité des nombreux peuples qui y vivent. Les origines des traditions de tressage de Bornéo et les influences extérieures successives qui les ont façonnées doivent être envisagées dans le contexte historique plus large de l’Asie du Sud-Est insulaire datant de l’époque à laquelle les Austronésiens se sont installés pour la première fois sur l’île aux alentours de 2500 av. J.-C. (Sellato, 1989 ; Bléhaut, 1997 ; Heppell, 2005). La riche histoire du tressage de Bornéo comporte une tradition fascinante, mais peu documentée : la confection de tapis par les indigènes peuplant l’intérieur de l’île. Ces tapis revêtent des formes différentes et varient considérablement d’un groupe à l’autre. Ils peuvent être utilisés pour recouvrir le sol, s’asseoir, dormir, et à des fins rituelles. Certains constituent de subtiles et très belles compositions de motifs géométriques imbriqués, d’autres prennent la forme d’un simple damier. D’autres encore sont des compositions figuratives élaborées qui évoquent FIG. 1 : Carte de Bornéo représentant uniquement les groupes ethniques mentionnés dans cet article. 105 groupes ethniques distincts sont recensés pour leurs tissages. Cartographie par Alex Copeland, www.PolarisCartography.com. Tapis décorés DES PEUPLES DE L’ARRIÈRE-PAYS DE BORNÉO


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