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DOSSIER 112 trouvés, objets irrationnels, ready-made, objets naturels interprétés, objets naturels incorporés, objets mobiles. Les « objets sauvages » présentent un choix des plus beaux fétiches et masques océaniens faisant partie de la collection Ratton. (fig. 10 et 11). Fidèles à leur manifeste révolutionnaire, les surréalistes sont passionnés par les traditions et moeurs primitives parce qu’elles leur semblent affranchies d’une fausse rationalité et des restrictions sociales développées après la guerre. Les surréalistes ne sont pas seulement intéressés par un mode de vie pré-moderne, mais ils sont également extrêmement impressionnés par la spiritualité graphique de ces arts. Dans son article de 1948 Océanie Breton écrit : «La démarche surréaliste, au départ, est indissociable de la séduction, de la fascination qu’ont exercées sur nous les peuples indigènes américains, du XXe siècle, ce n’est qu’avec l’émergence du mouvement surréaliste au début des années 1920 que l’art de l’archipel Bismarck accède réellement à une notoriété plus large. (fig. 9) La nature onirique de cet art insulaire, très présente dans les masques et figurines de la péninsule Gazelle, fait écho aux positions affichées du groupe surréaliste sur les libres associations et l’interprétation des rêves comme outils de libération de l’imagination. Plusieurs expositions se tiendront à Paris et à Londres à la fin des années 1920 et dans les années 1930 présentant art et objets comme l’expression des théories surréalistes. La plus célèbre d’entre elles est peut-être celle qui eut lieu dans la galerie Charles Ratton en 1936, Exposition surréaliste d’objets. Les objets y sont classés en divers groupes : objets mathématiques, objets naturels, objets primitifs, objets masque surmodelé de la Nouvelle-Irlande. On y voit une femme étendue, un bras replié au-dessus de sa tête, semblant succomber et se rendre au pouvoir du sévère masque (fig. 1). Les poignets joints donnent l’impression d’avoir été liés ensemble, comme emprisonnés. Avec des forts contrastes de lumière et d’ombre mettant l’accent sur sa poitrine et son bras en retrait, l’étude associe pure sensualité, exotisme et drame. À peu près au moment où Yva explore les liens entre son art et celui de la Nouvelle-Bretagne, Paul Éluard et André Breton conduisent un autre groupe dans une démarche similaire vers la compréhension des arts de l’archipel Bismarck. Bien que les objets océaniens aient été appréciés par de nombreux artistes, écrivains et collectionneurs dès le début du un bras étendu au-dessus de la tête permettent d’engendrer un rapport émotionnel à l’image. Avec un mélange d’éclairage et un zoom léger, Yva perfectionne un langage combinant son propre style artistique et l’efficacité requise par les images publicitaires. Sa capacité à créer des états d’âme et des atmosphères mettant en relation le spectateur avec une imagerie séduisante la place plusieurs dizaines d’années en avance sur le courant qui se développera dans la mode et la publicité dans les années 1960. Tous ces aspects de son travail sont présents dans Frau mit Schmuk der Sudsee 193010, une série de photos dans lesquelles un sensuel mannequin féminin pose, portant différents bijoux océaniens. Son talent s’exprime avec plus de force encore dans la représentation lascive qu’elle fera d’une femme portant un FIG. 9 : La carte surréaliste du monde, Variétés, Bruxelles, 1929.


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