Page 4

I-IVCoverT68 F_CoverF Vuvi

2 Éditorial Alors que l’équipe éditoriale de ce magazine se concertait fin février dernier depuis la Belgique et les États-Unis pour définir les sujets de ce numéro été, notre intuition nous portait vers des thèmes liés au continent américain. Aussi décidions-nous de dédier l’un de nos dossiers à une étude iconographique de James Reid sur les textiles péruviens ornés de visages de type humain, d’inviter Christian Feest à chroniquer pour nous l’exposition Sur les traces des Iroquois présentée à la Kunst- und Ausstellungshalle de Bonn et, enfin, de faire de Michael D. Coe, spécialiste de la Mésoamérique et professeur émérite d’anthropologie Charles J. MacCurdy One de l’Université de Yale, notre personnalité de la saison. Cette « humeur américaine » nous était donnée par la perspective de la vente de la collection Barbier-Mueller d’art précolombien par Sotheby’s Paris les 22 et 23 mars 2013 – à laquelle nous nous sommes déjà intéressés dans notre édition du printemps – et de la dispersion d’objets sacrés katsinam des Hopi et des Zuni d’Arizona prévue à Paris pour les mois de mars et d’avril, qui laissaient présager un certain remous dans le milieu du marché de l’art. Les raisons de notre soupçon se fondaient sur l’importance des oeuvres mises aux enchères et, surtout, sur les demandes probables de restitution – les précédents sont nombreux – des pays d’origine. Mais le remous menaça de devenir tempête lorsque les médias se firent largement écho des revendications du Pérou quant aux oeuvres péruviennes Barbier-Mueller et de l’opposition manifestée haut et fort par les communautés hopi à la vente de Drouot du 12 avril. Cependant, le moment venu, il n’en fut rien – ou presque – : les ventes eurent lieu, quant bien même les résultats n’attinrent pas les sommes espérées. Ces faits, dont nous chercherons à approfondir les implications dans un article à venir – loin de nous de nous permettre la moindre opinion sur le sujet dans cet éditorial ! Cela est bien trop complexe et mérite un développement rigoureux… – prouvent à quel point la question de la propriété de l’art est sensible et peut être lourde de conséquences. Michael D. Coe, dans l’entretien réalisé par Forrest D. Colburn, nous livre déjà quelques réflexions intéressantes sur les dérives que peut avoir sur la recherche en archéologie et la diffusion du patrimoine précolombien l’alignement de nombreux archéologues avec la cause de ce qu’il appelle le « nouveau nationalisme », d’après lequel les pays sont les propriétaires légitimes de tout ce qui est trouvé sur le territoire de leurs frontières actuelles... Deux autres articles de ce numéro se rattachent, du moins indirectement, à la question de la propriété d’objets issus de cultures autres en abordant l’histoire de la constitution de collections muséales de référence. Le premier, signé par Christina Hellmich, part de l’exposition à l’affiche au de Young Museum de San Francisco sur les collections d’Afrique, d’Océanie et des Amériques du Museo Etnologico du Vatican pour esquisser les grandes étapes de la création et l’enrichissement des fonds ethnographiques du Saint-Siège, essentiellement par des collectes sur le terrain liées aux missions d’évangélisation promues par l’Église catholique dès le XVIIe siècle. Le deuxième article porte sur le développement des collections africaines du Penn Museum de Philadelphie, et plus particulièrement sur les acquisitions d’art congolais réalisées dès le début du XXe siècle par le directeur de l’époque de ladite institution, George Byron Gordon, principalement sur le marché de l’art européen et américain, fait rare que l’auteure, Yaëlle Biro, pointe avec justesse. Dans ces pages agrémentées de belles illustrations des pièces phares du Penn Museum commentées par Constantin Petridis, la part belle est faite à l’importance du rôle d’intermédiaire joué par les marchands dans la constitution de collections extra-européennes de qualité témoignant d’une sensibilité pour la dimension esthétique des objets. Ce thème du regard et du rôle du marchand est notamment au coeur d’une autre manifestation dont il nous a semblé capital de nous faire l’écho : l’exposition Charles Ratton, l’invention des arts « primitifs », à l’affiche au musée du quai Branly du 25 juin au 22 septembre 2013. Nous avons rencontré le commissaire de cet événement, Philippe Dagen, et la conseillère scientifique, Maureen Murphy, pour vous proposer une mise en bouche de cet hommage qui promet de faire date à cette figure incontournable du marché de l’art tribal que fut, sans conteste, Charles Ratton. Sans quitter le domaine muséal, ce numéro sera aussi pour nos lecteurs l’occasion de découvrir l’histoire singulière révélée par Christian Coiffier d’une peinture biwat, Papouasie Nouvelle-Guinée, conservée au musée du quai Branly et autrefois acquise par l’ethnologue Margaret Mead pour l’American Museum of Natural History de New York, et de partir au Vietnam pour découvrir grâce à France-Aimée Nguyen Huu Giao la conception et l’ouverture, en 2011, du musée du Dak Lak. Bonne lecture... Ou devrions-nous dire plutôt « bons voyages »? Elena Martínez-Jacquet Notre couverture illustre un pendentif hungaan sur un portrait de Charles Ratton. Ivoire. H. : 7,7 cm. Musée du quai Branly, 73.1997.20.1. © musée du quai Branly, photo Hugues Dubois. Portrait : studio Harcourt, années 1930. Ancienne collection Charles Ratton. Guy Ladrière, Paris. © musée du quai Branly, photo Claude Germain.


I-IVCoverT68 F_CoverF Vuvi
To see the actual publication please follow the link above