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PORTFOLIO Dans son travail, Choris fit preuve d’une sensibilité particulière pour l’époque ; il représenta ses sujets avec précision et humanité, et non comme d’étranges créatures, contrairement à la plupart de ses contemporains. Le brick – deux mâts à voiles carrées – Rurik transportait un équipage de seulement vingt-sept hommes, parmi lesquels les naturalistes Johann Friedrich von Eschscholtz et Adelbert von Chamisso. Il quitta Saint-Pétersbourg le 3 juillet 1815, contourna la pointe de l’Amérique du Sud, puis accosta au Chili. Les hommes visitèrent l’île de Pâques, mais ne purent y rester en raison de l’hostilité des habitants. Ils traversèrent ensuite le Pacifique pour passer l’hiver dans la péninsule du Kamtchatka, devenant par la même occasion les premiers Européens à poser le pied sur les îles jalonnant leur traversée, qu’ils appelèrent Romanzov, Rurik, et Krusenstern (Tikehau). Durant l’été 1816, ils explorèrent le détroit de Béring et Unalaska, une île des Aléoutiennes, et baptisèrent le golfe de Kotzebue, la baie Escholtz, l’île Chamisso, 138 le cap Krusenstern dans la mer des Tchouktches, ainsi que la ville de Kotzebue, avant de mettre le cap vers la Californie en automne, afin de s’approvisionner en viande, fruits et légumes frais. Le voilier passa le mois d’octobre 1816 ancré dans la baie de San Francisco, offrant à Choris une excellente occasion de peindre les habitants indiens et espagnols du lieu, des portraits qui allaient figurer parmi ses oeuvres les plus emblématiques. Le Rurik quitta San Francisco pour voguer vers Hawaï – connue à l’époque comme les îles Sandwich – où l’expédition passa près de quatre mois (de novembre 1816 à mars 1817) consacrés à la navigation, la cartographie et le dessin. Le 24 novembre 1816, Choris y réalisa trois portraits à l’encre et à l’aquarelle du roi Kamehameha 1er, d’un âge vénérable, les seules oeuvres originales que l’on ait de ce célèbre monarque. L’expédition atteignit l’Arctique une nouvelle fois durant l’été 1817, mais les maladies et une couverture de glace inattendue obligèrent l’équipage à faire demi-tour en juillet. En automne de la même année, une seconde visite à Hawaï permit à Choris de recueillir des impressions et des images supplémentaires. Après avoir fait étape à Guam, aux Philippines, en Afrique du Sud et à Londres, l’expédition revint à Saint- Pétersbourg le 3 août 1818, au terme d’un tour du monde. À son retour en Europe, Choris produisit une série d’aquarelles à partir des croquis réalisés au cours de l’expédition. Après la présentation du rapport officiel (qui contenait ses illustrations), l’artiste fut invité à publier une édition privée de ses dessins et peintures.2 En 1819, il se rendit à Paris et convint avec Firmin Didot, l’un des imprimeurs les plus talentueux de France, de reproduire ses travaux au moyen d’une technique relativement nouvelle, la lithographie. Cet ouvrage renferme des images zoologiques, botaniques et géographiques, de la documentation sur des objets façonnés par des autochtones (en particulier des bateaux), et des études relatives aux peuples indigènes et à leurs modes de vie. Achevé en 1822 sous le titre Voyage pittoresque autour du monde, ce somptueux in-folio comptant plus de cent planches fut vendu par abonnement. Le tsar russe et les rois de France et de Prusse figurèrent parmi les clients de l’artiste. Les textes de Choris, de Chamisso et du baron Georges Cuvier (avec des observations sur les crânes humains faites par le Dr Franz Gall) furent rédigés en français et n’ont jamais été traduits en anglais dans leur totalité.3 Un second volume réalisé par Choris, Vues et paysages des régions équinoxiales recueillis dans un voyage autour du monde, fut publié par Paul Renouard, à Paris en 1826. Ce livre contient essentiellement des paysages de divers endroits explorés par l’expédition Romanzoff. Après avoir mené une brillante carrière artistique dans les ateliers parisiens de François Gérard et Jean-Baptiste Regnault, Choris repartit en Amérique, cette fois pour le compte du musée du Jardin des plantes, afin d’illustrer les autochtones du Mexique et leur habitat. Alors qu’il quittait Veracruz, sur la côte du Golfe, pour se rendre à Mexico City, il fut tué par des voleurs qui attaquèrent son convoi le 22 mars 1828, mettant brusquement fin à sa courte carrière d’artiste documentant les peuples qu’il rencontrait avec un sens du détail et une authenticité remarquables. 1. En raison de la fonte de la calotte polaire, un passage du Nord-Est au sommet de la Sibérie s’est récemment ouvert. 2. Le rapport de Kotzebue fut publié en anglais sous le titre A Voyage of Discovery into the South Sea and Bering’s Strait (Londres, Longman, Hurst, Rees, Orme & Brown, 1821). 3. On en trouve des extraits dans Through Alien Eyes: the Visit of the Russian Ship Rurik to San Francisco in 1816 and the Men Behind the Visit, de Edward Mornin. (P. Lang, Oxford et New York, 2002). FIG. 11 : « Ornements des habitants des îles Radak ». Louis Choris, Voyage pittoresque autour du monde... Paris, 1822, chapitre 5, pl. III. © The Trustees of the British Museum. Cet article découle d’une étude effectuée par le personnel de la Wisconsin Historical Society pour American Journeys: Eyewitness Accounts of Early American Exploration and Settlement www.americanjourneys.org


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