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MUSÉE à la Une 84 qu’il était particulièrement important de documenter l’artiste qui avait créé l’oeuvre et de consigner toute autre information contextuelle significative, qui ne pouvait être obtenue que directement auprès des communautés indigènes. Ces expéditions soulignèrent également les qualités esthétiques des oeuvres d’art : « M. Charpentier a été chargé de se focaliser sur la collecte d’artefacts issus des Nouvelles- Hébrides, remarquables pour leur qualité artistique et leur dimension d’objets de « galeries » plutôt que d’artefacts d’intérêt essentiellement ethnologique. »2 Pretty écrivit à Charpentier dans le même sens, afin de s’assurer qu’il mît l’accent sur l’art plutôt que sur l’ethnographie : « N’oubliez pas que l’essence de ce projet consiste à insister sur l’art et sur sa place au sein de la vie tribale, contrairement à l’ethnographe qui a l’obligation de représenter concrètement tous les aspects d’une culture. Les acquisitions devront toujours dépendre de la qualité des oeuvres. »3 Compte tenu des directives de Pretty, la collection de Charpentier peut sembler limitée d’un point de vue anthropologique car, en effet, de nombreux pans de la culture matérielle des Nouvelles-Hébrides ne sont pas représentés. Toutefois, il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit d’un ensemble constitué pour une institution dédiée à l’art et fondé sur une connaissance approfondie des arts visuels et des qualités esthétiques de chaque oeuvre. De ce point de vue, il s’agit là d’une collection remarquable. Charpentier réalisa très vite que l’art créé à des fins traditionnelles était pratiquement introuvable au Vanuatu. Les premières notes de son journal, rédigées à son arrivée à Ambrym, sont assez explicites : « L’art authentique a disparu, même les gens très âgés ne s’en souviennent plus. Les indigènes n’ont qu’une chose en tête : l’argent ; ils ne se soucient pas de la valeur rituelle et traditionnelle des oeuvres d’art. »4 Le deuxième jour, la situation s’améliora quelque peu lorsqu’il se rendit à Fona, où les villageois comprirent son intérêt pour la collecte et la préservation des arts traditionnels. Toutefois, personne n’était autorisé à créer ou vendre des objets sans la permission du célèbre chef Rengrengmal. Après des négociations avec Rengrengmal dans son village, à Fanla, un accord fut trouvé : les objets pourraient être achetés, mais à condition que le chef en fixe lui-même les prix. De retour à Port-Vila sur l’île d’Efate, Charpentier se rendit chez un groupe de marchands d’art, mais n’y trouva que des objets de facture médiocre destinés au marché touristique naissant. Il était évident qu’il ne pourrait constituer une collection digne de ce nom qu’en explorant des lieux où les modes de vie traditionnels avaient subsisté. Au début du mois de novembre 1972, Charpentier commença sa première expédition de collecte à Malekula. Il atterrit à Unua et se dirigea vers l’intérieur des terres en FIG. 5 (A GAUCHE) : Figure de grade batru, créée par Amanpuitas vers 1972, village de Borumvor, île de Malekula, province de Malampa, Vanuatu. Fougère arborescente et ocre. Acquise par J.-M. Charpentier pour le compte du Commonwealth Arts Advisory Board. National Gallery of Australia, 1971.207.103. Photo : National Gallery of Australia. Créé pour le septième grade, le nimangi, ce batru possède des saillies semblables à des cornes représentant les longs bras de l’esprit prêts à s’emparer de l’individu inconscient. Jusqu’à six cochons vivants sont nécessaires pour payer l’artiste qui exécute la commande, généralement le « protecteur » de l’impétrant. Six cochons supplémentaires seront sacrifiés lors de la cérémonie de passage de grade. FIG. 6 (A DROITE) : Rambaramp, Créé par Alythapong vers 1960-1970, village de Lempenuen, île de Malekula, province de Malampa, Vanuatu. Argile, os, bois, fibres, défenses de sanglier et coquillages. H. 148 cm. Acquis par J.-M. Charpentier pour le compte du Commonwealth Arts Advisory Board. National Gallery of Australia, 1971.207.160. Photo : National Gallery of Australia. FIG. 7 (EXTREME DROITE) : Rambaramp, créé par Kavinempur vers 1973, village de Menmenboas, île de Malekula, province de Malampa, Vanuatu. Argile végétale, fougère arborescente, ocre, fibre, défenses de sanglier, toile d’araignée, dents et coquille de noix de coco. Acquis par J.-M. Charpentier pour le compte du Commonwealth Arts Advisory Board. National Gallery of Australia, 1971.207.200. Photo : National Gallery of Australia. Devenir un rambaramp est un honneur. C’est le point culminant d’une vie de dévotion au système de grade nimangi au sein duquel, au plus haut niveau, le vivant ne fait plus qu’un avec ses ancêtres. Les rambaramp se composent du crâne des défunts où résident l’âme et le savoir. Le crâne est surmodelé en un portrait de l’homme figuré à l’apogée de sa vie cérémoniale sur terre. Les motifs peints sur le visage et le corps illustrent ceux que le défunt, désormais un ancêtre, arborait lors de sa dernière cérémonie de passage de grade.


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