Page 128

I-IVCoverF_CoverF Vuvi

LIVRES Pour la quatrième année consécutive, Tribal Art Magazine, en partenariat avec Sotheby’s, a récompensé 126 en décembre dernier les deux meilleurs ouvrages – l’un en langue française, l’autre en langue anglaise – dans le domaine de l’art tribal désignés par un jury de spécialistes internationaux. Les lauréats de 2012, primés pour la qualité de leurs contenus, l’originalité de leur démarche et le soin accordé à l’iconographie et la mise en page, ne sont autres que Motifs d’Océanie (Éditions Hazan) et Heroic Africans, Legendary Leaders, Iconic Sculptures (The Metropolitan Museum of Art ). Nous avons posé trois questions à leurs auteurs pour chercher à cerner ce qui a retenu l’attention du jury. La parole aux auteurs : retour sur les lauréats du Prix International du Livre d’Art Tribal 2012 Propos recueillis par Elena Martínez-Jacquet Nicolas Garnier, Motifs d’Océanie Tribal Art Magazine : À quoi répond votre livre et que souhaitiez-vous apporter au monde de l’édition en art tribal ? Nicolas Garnier : Cet ouvrage doit tout d’abord son existence à mon éditeur chez Hazan, Jean-François Barrielle. Nous avions déjà travaillé ensemble pour mon livre Carnets de Papouasie, paru en 2000, et souhaitions renouveler l’expérience tant la première avait été gratifiante. Peu de temps après la sortie de mes Carnets, nous avons commencé à réfléchir à un projet qui tenait à coeur à Jean-François Barrielle : créer un ouvrage sur l’Océanie FIG. 1 (À GAUCHE) : Détail d’une aquarelle figurant un tapa des îles Cook conservé au musée du quai Branly, inv. 71.1930.54.533, p. 63. FIG. 2 : Dessin au point d’un couple asmat, Papouasie Occidentale, conservé au Rijksmuseum voor Volkenkunde de Leyde, inv. RMvV 3095-1, p. 178. © illustrations : Nicolas Garnier. visant à offrir à un large public une sorte de répertoire visuel des motifs de leurs multiples variations, des créations artistiques de cette région mal connue du public occidental. J’ai été immédiatement séduit par l’idée et j’ai proposé à mon éditeur d’y inclure un texte important pour accompagner cette base iconographique. En effet, ce monde océanien, divers et complexe, a encore besoin d’être largement expliqué. T. A. M. : Le dessin a une importance fondamentale dans le livre au détriment de la photographie, totalement absente et pourtant habituelle dans les livres d’art. Pouvez-vous nous expliquer ce pari pour l’illustration ? N. G. : Le dessin est l’un de mes outils de prédilection dans le travail de terrain que je mène, depuis de très nombreuses années déjà, principalement en Papouasie où je suis établi. C’est donc tout naturellement que j’ai souhaité faire un livre illustré par des dessins. Je reconnais au dessin une valeur documentaire extraordinaire car il permet, souvent mieux que la photographie, d’unifier visuellement la publication. Le dessin permet d’accentuer soit les volumes, soit les couleurs, soit les motifs, en fonction des informations qu’il faut mettre en valeur. Mais ce qui m’intéresse surtout dans la pratique du dessin c’est sa capacité à stimuler les réactions des gens auprès desquels on mène des recherches ! Sur le terrain, le savoir ne se livre pas aisément : cela prend du temps et exige un rapport de confiance tout comme un contexte propice. En me voyant dessiner, les gens prennent davantage conscience de la nature de mon travail : ils voient dans les heures que je consacre à faire le relevé d’une maison cérémonielle, d’une peinture sur écorce, etc., une preuve tangible de mon intérêt pour leur culture et les échanges en sont considérablement facilités. Et puis, le carnet de dessin – auquel j’ajoute régulièrement des commentaires sur les objets représentés formulés dans la langue locale, ce qui ne manque pas de faciliter l’adhésion des gens concernés – présente également un autre avantage : on peut le faire circuler aisément dans les villages et leurs pages peuvent être tournées à souhait ; ceux qui les regardent y ajoutent encore de nouveaux commentaires, ce qui enrichit la documentation ethnographique. Ces carnets finissent par avoir presque une dimension sédimentaire par la superposition d’informations qu’ils permettent de compiler.


I-IVCoverF_CoverF Vuvi
To see the actual publication please follow the link above