Page 125

I-IVCoverF_CoverF Vuvi

John Kenny 123 banals que j’avais vus m’avaient persuadé que le sujet de la photo, aussi fort soit-il, ne suffit pas à lui seul pour obtenir une oeuvre convaincante. Le style de mes photos répond à ce problème et traduit également une esthétique que j’affectionne personnellement : une imagerie en noir et blanc capable d’exprimer un degré d’intemporalité et d’émotion. Il est influencé par l’utilisation de contrastes de lumière, d’ombre et d’intensité dramatique que j’avais observés dans le travail d’artistes ayant recours à la technique du clair-obscur comme le faisait Rembrandt. Je me suis rendu compte que pour atteindre mon objectif, mes portraits devaient dégager FIG. 7 : Femme muhacaona avec son enfant, Angola. Août 2012. © John Kenny. « l’extraordinaire » (les individus sur mes photos) de « l’ordinaire » (les arrière-plans souvent mornes, poussiéreux et désertiques de leurs communautés arides). Je me suis également résolu à travailler dans les conditions locales et avec le matériel disponible dans ces villages isolés, à savoir le soleil (donc pas de lumière artificielle) et une hutte en guise de « studio », que j’empruntais généralement à un villageois. J’ai donc commencé mes essais avec ces simples « ingrédients » dans un camp massaï au Kenya en 2006, jusqu’à ce que je trouve le rendu voulu. Le noir, ou l’espace négatif, entourant le modèle et l’absence de tout élément pouvant distraire l’attention sont destinés à susciter un sentiment de réelle proximité avec le sujet. Il s’agit, selon moi, d’une des techniques essentielles pour que l’apparence physique du sujet, ainsi que son « aura », sentiment plus abstrait que je ressens en sa présence, demeurent intactes sur le portrait. De plus, le fait de travailler à l’intérieur d’une hutte empêche le soleil d’éclairer directement la personne, la lumière portée sur le sujet étant par conséquent reflétée depuis l’extérieur. Même sous un écrasant soleil tropical, cette manière de procéder permet d’obtenir un magnifique éclairage, très doux, sans utiliser de flash ou de réflecteurs. Il a cependant fallu beaucoup d’essais afin de déterminer les meilleurs moments pour prendre les photos, pour savoir comment orienter l’ouverture de la porte, etc. Cette méthode nécessite beaucoup de patience, et il faut aussi prier pour que le temps soit ensoleillé ! T. A. M. : Quelle suite allezvous donner à ce travail ? J. K. : Il s’agit d’un projet en cours et je suis convaincu que je retournerai en Afrique bientôt. Je ne suis pas encore certain de la destination : j’ai songé à me rendre quelque temps dans l’extrême nord du Nigeria et du Cameroun, mais pour des raisons de sécurité, il semble que le moment ne soit pas propice. J’ai travaillé six semaines sur un projet en Angola et en Éthiopie l’été dernier, qui fera l’objet d’une exposition individuelle dans ma galerie habituelle à Londres au printemps 2013. Enfin, dès le début du projet, j’ai eu l’intention d’en faire un livre. Après beaucoup d’efforts, je suis heureux d’annoncer que je travaille avec Merrell Publishers au Royaume-Uni à la publication d’un ouvrage pour l’automne 2013.


I-IVCoverF_CoverF Vuvi
To see the actual publication please follow the link above